Littérature française

David Clerson

Mon fils ne revint que sept jours

✒ Sarah Gastel

(Librairie Adrienne, Lyon)

L’écriture de David Clerson semble réunir en un seul mouvement rêve et réalité, humain et nature, pour sillonner le présent avec un regard sagace sur la complexité des relations humaines. Rencontre avec une voix à l’étrangeté fascinante.

Dans un chalet au cœur de la forêt, en Mauricie, une femme vieillissante à la mémoire vacillante, qui passe ses étés seule, reçoit la visite surprise de son fils qu’elle n’a pas vu depuis plus de dix années. Jour après jour, ce dernier lui raconte sa vie d’errance sur les routes d’une Amérique inhospitalière, qu’il a tentée de partager à travers des lettres confuses, envoyées des coins les plus reculés. Se délestant de la pelisse de la civilisation et échappant à la logique de l’attendu, le jeune homme s’est déplacé dans les marges (zones rurales touchées par la crise qui se dépeuplent, zones industrielles abandonnées, régions en dehors des sentiers touristiques…) dans une sorte de réinvention du roman de la route américain, où les animaux se substituent aux beatniks. Ainsi, le temps d’une semaine, ces deux êtres fêlés tentent de se réapprivoiser à mots comptés, au cours de promenades en direction d’une tourbière qui les attire comme un aimant. Ce court roman, entre littérature, naturalisme et onirisme, qui conte l’histoire d’un fils et d’une mère dans leur marginalité, et qui sent bon l’infiniment petit, compose un voyage introspectif et doux-amer dans les différents âges de la vie, interrogeant la difficulté d’en accepter les différents cycles et l’évolution des liens familiaux qu’ils induisent. En faisant la part belle aux descriptions de champignons, mousses et insectes, en s’attardant sur les impressions à travers une écriture organique et en faisant infuser la sensation d’un désastre permanent, le Québécois David Clerson fait de la nature trouble le prolongement de la psyché des personnages et compose un univers qui s’éprouve plus qu’il ne se comprend. Mon Fils ne revint que sept jours saisit avec une belle étrangeté le sentiment de solitude, la difficulté d’habiter la vie et d’éprouver les forces vives qui, tout à la fois, nous épuisent et nous élèvent.

Les autres chroniques du libraire