Littérature étrangère
Orhan Pamuk
Cette chose étrange en moi
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Orhan Pamuk
Cette chose étrange en moi
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy
Gallimard
17/08/2017
640 pages, 25 €
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Chronique de
Sarah Gastel
Librairie Adrienne (Lyon) -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Marie Hirigoyen de Hirigoyen (Bayonne)
- Nicole Legrand de Graffiti (Castres)
- Valérie Ohanian de Masséna (Nice)
- Linda Lompech
- Magali Mohamed
✒ Sarah Gastel
(Librairie Adrienne, Lyon)
Dans Cette chose étrange en moi, Orhan Pamuk poursuit son explo- ration de la Belle du Bosphore, Istanbul, sa ville de cœur et de naissance, à travers les apprentissages d’un cœur candide, Mevlut, vendeur de rue de boza, boisson fermentée traditionnelle prisée par les Turcs. Une inoubliable épopée prolétarienne.
« Voyant son fils le considérer comme un savant parlant avec une ville une langue particulière et s’impatienter d’en apprendre les secrets, le père de Mevlut s’emplissait de fierté et accélérait le pas. “Toi aussi tu apprendras tout cela petit à petit… Tu deviendras en même temps un homme qui voit tout et un homme qu’on ne voit pas. Tu entendras tout, et tu feras comme si tu n’avais rien entendu. Tu marcheras dix heures par jour, mais tu n’auras pas l’impression d’avoir marché.” » De Cevdet Bey et ses fils (Folio), chronique d’une famille bourgeoise depuis le début du XXe siècle, au Musée de l’innocence (Folio), récit contemporain d’un amour fou, l’œuvre du Prix Nobel 2006 se fait cartographie d’une ville et de ses battements d’âme. Istanbul est la scène permanente et immanente de son écriture. Formidable fresque retraçant la fascinante mutation de la ville sur cinquante ans, Cette chose étrange en moi ne déroge pas à la règle. Mais aux quartiers occidentalisés et prospères de Nisantasi et de Beyoglu se substituent les collines périphériques, les bidonvilles et les banlieues stambouliotes, misérables et tapageuses. Orhan Pamuk s’attache à décrire le quotidien d’une vie minuscule : celle de Mevlut Kataras, arrivé de son village d’Anatolie pour être vendeur ambulant, auprès de son père. Au fil des pages de ce grand roman d’apprentissage, nous découvrons ses aventures, sa famille et ses rêves. Suivant à marche forcée l’évolution de la capitale, alors qu’émergent les gratte-ciel saturant l’horizon et de nouveaux modes de vie, Mevlut, spectateur privilégié de ces transformations, interrogera inlassablement son identité, aux croisements entre tradition et modernisme, Orient et Occident. Ses pérégrinations ainsi que l’histoire de ce breuvage qu’est la boza, vendu par notre antihéros, forment une captivante métaphore de l’Histoire de la Turquie contemporaine, de sa politique et de ses aspirations aux changements. Ce portrait mouvant d’Istanbul des années 1969 à 2012 est aussi complété par les voix de nombreux personnages qui y vivent et qui font surgir à travers des anecdotes, petites perfidies et grandes passions, compromis amoureux et publics. Dans cette fresque aux accents picaresques, bouillonnante de vie, Mevlut sera ballotté par la vie. Et n’aura de cesse d’être habité par « cette chose étrange », ce sentiment de ne pas vivre à la bonne époque ni au bon endroit. Pour autant, aiguillonné par un optimisme forcené, il n’aura de cesse de construire son existence, déterminé à être un homme heureux. Ce cœur simple, qui incarne l’Istanbul populaire, rentrera sans conteste au panthéon littéraire des personnages qu’on ne peut oublier. Pour les curieux qui souhaiteraient prolonger la découverte de l’univers d’Orhan Pamuk, l’une des voix les plus singulières de Turquie, signalons les parutions d’une nouvelle édition illustrée de son roman Istanbul aux éditions Gallimard et d’un Cahier de L’Herne centré sur son œuvre.