Littérature étrangère

Une fenêtre sur le monde

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✒ Sarah Gastel

(Librairie Adrienne Lyon)

Riches d’une année en reconnaissances avec le prix Femina 2014 décerné à Yanick Lahens, et Le Grand Prix RTL-Lire ainsi que le prix des Libraires 2015 à Léonor de Récondo, les éditions Sabine Wespieser lancent une collection de poches.

Une politique d’auteurs, une volonté de construire un catalogue de fonds, une connaissance aiguë du marché du livre et un soupçon d’audace, voilà ce qui a poussé Sabine Wespieser à créer la collection « SW poche ». Ayant pour vocation de faire « vivre le fonds » en permettant aux lecteurs de redécouvrir des œuvres du catalogue aujourd’hui épuisées, ou en réunissant les titres de ses auteurs parus ailleurs, cette nouvelle collection met en avant quatre titres en ce mois de mai. Des livres aux formes et aux contenus variés, mais tous, à leur façon, portant l’empreinte de la maison : une fenêtre sur le monde, des écritures sensibles et des couvertures finement travaillées, aux couleurs acidulées (seul changement !). Et qui mieux que Yanick Lahens, auteure phare des éditions Sabine Wespieser, pour inaugurer cette nouvelle aventure ? Car, entrer dans l’œuvre de l’écrivaine haïtienne, c’est s’enfoncer dans un monde inépuisable et magique, aux éclats multicolores, où le souffle poétique nous dessille les yeux tel le vent balayant les mornes. Premier roman de Yanick Lahens, Dans la maison du père, paru au Serpent à Plumes en 2000 et qui était épuisé, est un superbe roman d’apprentissage. Il raconte comment Alice Bienaimé, jeune fille issue de la bourgeoisie de Port-au-Prince, s’affranchit progressivement, dans les années 1940, de son éducation stricte et de l’ascendant de son père pour embrasser sa passion : la danse, façon pour elle de « taquiner la vie ». Elle profitera de la fièvre insurrectionnelle conduite par la jeunesse et les milieux intellectuels pour mettre en œuvre ses rêves d’évasion. Traversé par des brèches sociales et culturelles mais aussi par un attachement inextinguible aux terres ancestrales, ce roman lumineux conte la trajectoire, sur une « île de sel et de terre », d’un électron libre, pour qui les hommes n’ont pas le dernier mot. Simultanément paraît un inédit, une petite merveille de tendresse, de gaieté et de gravité, où l’amour couve sous les mots, Jackie de Kelly Dowland. Journal de Kelly, pétillante trentenaire, joueuse de tuba et mère d’un petit garçon, quelques jours avant la mort de sa grand’ma, Jackie croque avec un humour malicieux et dévastateur les grandes joies et petits malheurs qui rythment nos vies. Les portraits au vif de ses copines aux cheveux blancs, de ses collègues de l’orchestre, dragueurs mais protecteurs, de son compagnon Joe, spécialiste de Shakespeare, de son père atteint d’Alzheimer, de son fils, philosophe avant l’heure, et de sa mère, se mêlent aux souvenirs avec la vieille dame, qui lui a transmis le goût de la fantaisie et de la liberté. Magnifique déclaration à sa grand-mère adorée, ce petit texte sensible et exubérant a tout d’un grand : des mots simples et justes pour dire la perte d’un être cher, les orphelins que nous sommes, serons ou avons été. Et pour prolonger le plaisir, signalons aussi, parmi cette première fournée, la parution de On s’est déjà vu quelque part ? de Nuala O’ Faolain et de « Musulman » roman de Zahia Rahmani.