Littérature étrangère
Richard Wright
L'homme qui vivait sous terre
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Richard Wright
L'homme qui vivait sous terre
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nathalie Azoulai
Christian Bourgois éditeur
01/02/2024
254 pages, 18 €
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Chronique de
Sarah Gastel
Librairie Adrienne (Lyon) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Sarah Gastel
(Librairie Adrienne, Lyon)
L’homme qui vivait sous terre, le roman le plus personnel de Richard Wright, paraît pour la première fois dans sa version longue. L’auteur conte la fuite, dans les souterrains d’une ville, d’un homme noir accusé à tort. Le racisme comme expérience viscérale dans un grand texte aux accents kafkaïens.
« Je n’ai jamais rien écrit de ma vie qui me soit plus inspiré, ou disons, rien imaginé de plus libre. Où plutôt je ne me suis jamais exprimé d’une manière qui découle aussi naturellement de ma propre histoire, de mes lectures, de mes expériences et de mes sentiments, comme dans L’Homme qui vivait sous terre », écrit l’auteur afro-américain dans l’essai Souvenirs de ma grand-mère qui accompagne l’édition présente et explique la genèse du roman. C’est dire l’importance de la publication de ce texte prophétique du mouvement « Black Lives Matter », réduit en nouvelle par la prudence des éditeurs de Richard Wright. Écrit dans les années 1940, cette fable politique et allégorique sidérante, censurée pendant plus de quatre-vingts ans et traduite par Nathalie Azoulai, met en scène Fred Daniels, un jeune homme noir, bon chrétien et bon citoyen qui se fait arrêter après une journée de travail, au mauvais endroit et au mauvais moment, alors qu’il s’apprête à retrouver sa femme Rachel sur le point d’accoucher. Un double meurtre a eu lieu dans le voisinage, la police a besoin d’un coupable. Ce sera lui. Arrêté, frappé et torturé, il signe des aveux avant de s’enfuir de façon miraculeuse par une plaque d’égout. Le personnage joue alors les passe-murailles, patauge dans un univers vaseux à l’aide d’un bâton, risquant à tout moment de glisser dans une fosse. De cave en cave, il déplace des briques qui lui permettent d'observer la vie du dessus. Il passe ainsi d’une salle de cinéma à un abattoir, écoute à travers les murs les cantiques de fidèles noirs dans une église, vole de quoi manger et des dollars dont il tapisse les murs de son nouvel environnement, faisant flamboyer les murs d’un feu jaune-vert. Mais cette plongée psychédélique dans les sous-sols de la ville et aux confins de l’absurde se transforme progressivement en récit d’une prise de conscience. Le héros y découvre sa condition d’homme noir. À travers cette fugue cauchemardesque dans les entrailles de l’Amérique, l’auteur de Black Boy livre une parabole troublante et puissante sur le racisme systémique de la société américaine obsédée par la couleur de la peau. Et partage ce qu’il a laissé derrière lui en partant pour la France. « De même que Daniels a fui le monde d’en haut et ses méthodes cruelles, de même Richard Wright a choisi de s’exiler loin de Jim Crow et de l’intolérance américaine », conclut le petit-fils de l’auteur, Malcom Wright, dans la postface.