Essais

✒ Sarah Gastel

(Librairie Adrienne Lyon)

Auteures, autrices, femmes de lettres ou écrivaines ? Quel que soit leur nom, ce panorama captivant redonne une place aux femmes au sein de l’histoire littéraire du Moyen Âge à nos jours, en France et dans les pays francophones.

 

Alors que l’Académie française a adopté l’année dernière un rapport sur la féminisation des noms de métiers et que perdure de nos jours la prédominance des hommes dans la vie publique littéraire, il est bon de fureter et de s’attarder dans cette somme réjouissante en deux tomes initiée par un collectif d’universitaires. Dans cette contribution majeure qui replace les œuvres, non seulement dans l’histoire littéraire et l’histoire des femmes, mais aussi dans l’histoire des idées, de nombreuses idées reçues, diffusées par des habitudes de lecture, de critique et d’enseignement, sont battues en brèche. On s’interroge ainsi sur le controversé « autrice » et l’on apprend que la création et la fabrication matérielle du livre ne sont pas des apanages exclusivement masculins au Moyen Âge. Qu’à cette époque la promotion de la femme auteur va de pair avec une reconnaissance de la langue française. On apprend que le XVIIe siècle dénombre, à côté des figures illustres de Madame de la Fayette et de Madame de Sévigné, une vingtaine de femmes dramaturges telle Marie-Catherine Desjardins, contemporaine de Molière, dont la pièce Le Favori est jouée devant Louis XIV. Il est rappelé aussi que les femmes de lettres se sont approprié tous les genres littéraires, qu’elles sont exclues de l’antre des Immortels jusqu’en 1980 avec l’élection de Marguerite Yourcenar ou encore que les femmes issues de la francophonie sont nombreuses à avoir choisi le français pour écrire librement. Solidement documenté, cet ouvrage qui raconte la longue conquête de la légitimité culturelle des femmes et leur participation active dans l’histoire littéraire comme dans la vie littéraire de leur époque, élabore une histoire commune inestimable. Une lecture enjouée, incontournable et grisante.