Jeunesse

Cruschiform

Colorama

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Qui ne s’est pas déjà retrouvé dans un magasin de bricolage à choisir une couleur de peinture et être perdu devant le nombre de nuances, parfois imperceptibles, proposées ? Si la décision finale résulte souvent du goût personnel, que sait-on réellement de la couleur choisie, son nom exact, sa signification, son origine, son histoire ?

Le premier ouvrage, publié par Gallimard, est réalisé par Cruschiform, designer graphique ayant illustré plusieurs ouvrages pour la jeunesse. Il s’agit de Colorama, un « imagier des nuances de couleurs ». Car si l’on apprend assez tôt à reconnaître les couleurs primaires et celles issues de leur mélange, on ignore souvent qu’elles se déclinent en un nombre important de nuances aux noms tantôt triviaux, tantôt poétiques, souvent imagés. Sauriez-vous distinguer un blanc « polaire » d’un blanc « écorce de bouleau » ou encore un noir « d’encre » d’un noir « charbonneux » ? Si vous voyez à peu près quelle couleur peut-être le « vert kiwi » ou « l’indigo », saurez-vous à quelle couleur peut appartenir la nuance « glauque », « larme d’Aphrodite » ou encore « grège » ? En plus d’être d’une richesse incroyable concernant la palette de couleurs évoquées, chacune est accompagnée d’un petit texte indiquant tantôt son origine géographique, historique ou linguistique, une anecdote, une explication concernant une expression comprenant cette couleur. Elle prend vie sous nos yeux, elle devient concrète. S’il existe des références qui nous parlent directement (le jaune « Bic® », « Poil de Carotte » ou encore le noir « All Blacks »), il en existe certaines qui nous emmènent en voyage, nous racontent des histoires dignes des Mille et une Nuits (« Fleur de Sakura », « Rouge Pennsy », « Vert Lincoln » ou encore « Khôl »). Un ouvrage à découvrir en famille qui recèle mille merveilles et permet, comme le dit la chanson dans le film Peter Pan, de « rêver sa vie en couleur, c’est le secret du bonheur ! ». S’il en est un autre qui rêve sa vie en couleur depuis des années et nous permet de mieux les connaître, c’est bien Michel Pastoureau. De livre en livre, il nous raconte leur histoire, leur origine, les différentes significations qu’elles ont eues au cours des siècles, selon les pays, selon même parfois les différentes classes sociales. De tout ce qu’il a pu observer, approfondir, durant ses recherches, ses enquêtes, il a pris des notes, rédigé de courts articles qui forment un Journal chromatique, tenu de 2012 à 2016. Chaque année correspond à une couleur, dont les nuances sont déclinées jusqu’à la suivante dans l’ordre de son prisme chromatique. Il se base sur des expériences personnelles, de la vie de tous les jours ou de ses réflexions professionnelles, pour nous amener à mieux questionner notre rapport aux couleurs, à mieux les connaître, à ne pas employer des expressions ou les définir à tort et à travers, toujours avec ce style et ce talent de nous apprendre tout un tas de choses de manière ludique et passionnante, bien loin d’un ton professoral ou sentencieux. Un ouvrage que l’on peut picorer à loisir tant il fourmille de mille anecdotes. Ces deux livres ne vous aideront pas à trancher entre le « coquille d’œuf » et « l’ivoire » pour les murs du salon, mais vous saurez au moins distinguer ces deux nuances et épater le vendeur du roi du bricolage en racontant leur histoire et ce qu’elles représentent.

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