Essais

Toi + Moi + tous ceux qui le veulent

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✒ Aurélie Janssens

(Librairie Page et Plume Limoges)

Dans cette époque étrange où le lien social doit se réduire à son strict minimum, réfléchir sur son rapport aux autres, rappeler l'importance de la rencontre dans nos vies, concevoir les bouleversements, les nouveaux horizons, ce qui nous transforme... Tout cela nous fait plaisir, nous fait sentir vivants, n'a jamais été aussi important.

L'homme est un animal social. Sa famille, ses amis, ses relations sentimentales ont une importance vitale. Et si en ce moment, il semble qu'un grain de sable vienne mettre le bazar dans les interactions sociales, rien ne nous empêche de profiter de ce temps pour réfléchir aux liens créés, aux chemins croisés, ces possibilités incroyables qu'elles ouvrent dans nos vies, pour mieux apprécier les expériences, professionnelles, amicales ou sexuelles, et jouir (enfin !) de ces nouveaux horizons !

 

Dans son livre La Rencontre, une philosophie, l'écrivain et philosophe Charles Pépin revient sur ce qui est à l'origine de toute interaction sociale : la rencontre. Et si l'on confie volontiers les conditions de celle-ci au hasard, Charles Pépin nous rappelle les mots d'Éluard : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ». Pour que rencontre il y ait, il faut déjà sortir de chez soi, sortir de Soi, prendre des risques, faire tomber le masque social, tenter l'aventure, afin que la rencontre, la vraie, puisse advenir. Pour Charles Pépin « rencontrer quelqu'un, c'est être bousculé, troublé » (p.15). On mesure alors l'importance de la rencontre à ce qu'elle provoque chez nous, le trouble, de la transformation la plus invisible à la plus manifeste. Rencontrer l'Autre, c'est rencontrer son altérité mais aussi la nôtre. En se révélant à l'Autre, on se révèle à soi. S'ouvre alors une infinité de possibles, une grande liberté, de la confiance, du réconfort, de la responsabilité aussi. Pour nous montrer à quel point une rencontre peut marquer une vie, le philosophe puise ses exemples dans de nombreux registres : du cinéma (La Route de Madison, Out of Africa...), à la musique (David Bowie et Iggy Pop, Keith Richards et Mick Jagger...), la peinture, la littérature (où les exemples de rencontres bouleversant une vie sont nombreux) ou encore la philosophie (Hegel, Spinoza, Platon...).

 

S'il est un philosophe pour qui les rencontres ont eu une importance primordiale, c'est bien Socrate. Tout d'abord car les mots de celui qui est considéré comme « le père de la philosophie » ne nous ont été transmis que par le prisme de ceux qui l'ont rencontré, à commencer par son disciple, Platon. Dans son essai Socrate in Love, Armand D'Angour, professeur de Lettres classiques à l’Université d’Oxford, fellow et tuteur au Jesus College, revient sur ce personnage mystérieux dont la voix et l'existence ne résonnent qu'à travers les écrits des autres dessinant un personnage sage, à l'éclat intellectuel incontestable, d'une grande maturité et établi socialement. Mais qu'en est-il du jeune Socrate ? De la naissance de sa vocation, de sa vie personnelle, sentimentale ? Qu'est-ce qui a fait de lui celui que l'on connaît ? La plupart des biographes se réfèrent aux écrits de Platon et Xénophon pour raconter sa vie. Or, une enquête un peu plus poussée indique que loin des images toutes faites, il y a encore beaucoup d'éléments à découvrir, déterminés par un contexte historique et social particuliers, par les rencontres du philosophe, ses amitiés, ses amours, qu'elles soient platoniques ou sexuelles, qui sont autant de précieux indices pour découvrir la jeunesse et la genèse du philosophe.

 

Et de l'amour de la sagesse à la sagesse de l'amour au lit, il n'y a qu'un pas, habilement franchi par la journaliste spécialisée en sexologie, Maïa Mazaurette, dans son merveilleux dictionnaire des mots du sexe, La Vulve, la verge & le vibro dont le titre procure des frissons dignes d'une fricative labio-dentale ! Du A d'Adoration au Z de Zone, elle parcourt avec simplicité, intelligence et une grande clarté, sans jugement, les mots de nos sexualités. Car apprendre ces mots, leurs significations, leur étymologie, la réalité qu'ils recouvrent et remettre le vagin à sa place permettent de pouvoir en parler, de ne plus laisser ces sujets dans le silence. « On ne résout aucun problème par l'ignorance. Jamais. Ne pas parler de sexe revient à ne pas penser le sexe. Or, à mon sens, ne pas exercer notre intelligence est toujours un échec », écrit-elle dans le prologue. Agrémenté des illustrations pimentées du graphiste Alex Viougeas, vous découvrirez les parties et le tout, les éléments et les pratiques, les couleurs, les positions, les préférences. Sans tabou, avec passion, précision, attention, où la question de la normalité ne se pose pas, ce voyage au pays des sens, de notre corps, de notre intimité, permet de réchauffer cet hiver froid, de découvrir de nouvelles possibilités d'occuper les confinements et couvre-feux, seul(e), à deux ou à plusieurs.