Essais

Alain Corbin

Histoire du silence

✒ Aurélie Janssens

(Librairie Page et Plume, Limoges)

Le bruit, les voix, les sons, agréables ou non, emplissent notre quotidien. Une omniprésence qui est comme une évidence. Et puis il y a ce moment où, loin de tout, loin du monde, tout se tait. Et c’est là qu’on l’entend : le silence.

Les villes, les nouvelles technologies, nos modes de vie modernes, tout contribue à remplir l’espace de sons. Comme si nous étions effrayés de devoir affronter le silence, affronter cette peur de se retrouver seul face à soi-même. Remontons quelques centaines d’années en arrière. Pas de voitures, pas de télévision, pas d’avions, de téléphones, de chaînes-hi-fi. Les seuls bruits qui meublaient les maisons étaient ceux des fermes et des animaux à la campagne, ceux du quotidien, des carrioles et chevaux dans les villes. Alain Corbin nous invite, le temps d’un livre, à faire une pause, à écouter. S’appuyant sur de nombreuses citations (Gracq, Vercors, Rodenbach, Rilke, Baudelaire, Hugo, Zola, Valéry, Quignard...), il retrace l’histoire du silence. Il s’interroge sur la valeur de ce qui est défini comme « une absence de bruit » et qui, paradoxalement, s’entend. Le silence est bien souvent nécessaire à la réflexion, un espace de calme pour mieux entendre ses pensées, les mettre au clair. Que cette réflexion soit intellectuelle chez les écrivains, les philosophes, les penseurs, ou spirituelle chez les moines (catholiques, bouddhistes, etc.), elle est souvent source d’inspiration, de création. Elle permet aux mystiques d’entrer en discussions avec des êtres supérieurs et aux poètes de converser avec les muses. Mais le silence n’est pas qu’absence de bruit, apaisement et source de création. Il peut aussi être redouté, contenir de la violence, de la tension, des rancœurs et devenir effrayant. Le silence au sein d’un couple qui ne sait plus, ou n’ose plus se dire les choses, le silence de la victime contrainte à ne pouvoir s’exprimer, le silence forcé de celui qui n’a personne à qui parler. Ces silences sont destructeurs. Alain Corbin nous apprend dans cet essai, intelligent, sensible, passionnant, que le son du silence est finalement plus présence qu’absence, une compagnie des plus agréables et nécessaire. Alors chut… Écoutez !

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