Littérature française

Boris Bergmann

Nage libre

✒ Aurélie Janssens

(Librairie Page et Plume, Limoges)

S’il est un lieu où l’on ne peut tricher, sans pudeur, les sens à vif, c’est bien la piscine. Lieu de fantasmes, d’exploits, de bien-être ou de mauvais souvenirs, il permet aussi de se révéler à soi, aux autres.

Issa a grandi dans une banlieue surnommée « la Zone ». Il vit seul dans un appartement avec sa mère, Fatumata, femme de ménage d’origine malienne. Discret, malgré sa grande taille, il a toujours essayé de se rendre invisible, de se faire oublier. Les murs de sa chambre sont son unique refuge, l’écran d’ordinateur son ailleurs. L’été commence, les résultats du Bac tombent. Rien. Pas même le rattrapage. Si Issa semble appréhender de l’annoncer à sa mère, il en est un qui s’accommode plutôt bien d’un résultat identique, c’est son seul ami, Elie. Il habite l’immeuble d’en face avec sa mère, juive, et un beau-père, sorte d’ogre aux fureurs retentissantes. Issa admire la façon dont tous les problèmes semblent glisser sur Elie. La réaction de Fatumata ne se fait pas attendre. Fatiguée, elle exhorte son fils à faire quelque chose de sa vie. La solution vient d’Elie qui l’emmène à la piscine municipale. Pour Issa, ce n’est pas son monde, il ne maîtrise pas les codes de ce lieu qui se refuse à lui : l’eau, la nage, les gens, tout lui semble hostile. Et pourtant, à force de patience, d’encouragements, de courage, c’est une véritable révélation qui va bien au-delà de la découverte de l’effort physique, de vertus nobles telles que la persévérance ou encore l’endurance. Une épiphanie des sens, la découverte de son corps, de celui des autres. Lui qui vivait caché découvre soudain toutes ces sensations, s’ouvre au monde, le reçoit par tous les pores. Boris Bergmann saisit avec un talent rare ce qui anime le corps d’un jeune homme, les sens qui s’éveillent, le désir, les pulsions, les doutes, les moments de découverte, les premières fois, les eaux troubles. Inattendu et original, voilà un roman d’apprentissage chloré et poétique qui nous réconcilierait presque avec le pédiluve.

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