Littérature française
Ingrid Thobois
Miss Sarajevo
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Ingrid Thobois
Miss Sarajevo
Buchet Chastel
23/08/2018
256 pages, 16 €
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Chronique de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume, Limoges)
Capter une image, témoigner, donner un point de vue, explorer ses souvenirs, les fixer, raconter sa vie, le monde, saisir l’insaisissable : les ponts entre la photographie et la littérature sont nombreux.
D ans ce roman brillant, poétique et émouvant, Ingrid Thobois mêle ces deux arts qui n’ont pour seule différence que le moyen utilisé : les mots pour l’un et les images pour l’autre. Joachim est photographe, il a parcouru le monde pour immortaliser les conflits à travers son objectif. Entre deux reportages, il fait escale dans son minuscule appartement pour vider ses photos. Il apprend la mort de son père et prend connaissance d’une clause particulière de son testament : pour pouvoir disposer de l’appartement familial, il doit y retourner. Ce n’est pas une évidence pour Joachim qui a fui ce lieu des années auparavant après un drame familial particulièrement douloureux qui alimente encore ses failles intimes aujourd’hui. Adolescent, il se trouvait dans cet appartement, dans la salle de bain, lorsque sa sœur, Viviane, s’est donnée la mort en se défenestrant. De ce drame intime, Ingrid Thobois aurait pu verser dans le pathos. Mais c’est avec une pudeur, une délicatesse et un regard hors du commun qu’elle nous raconte cette histoire par petites touches. L’œil de l’écrivain et celui du photographe interrogent le monde pour comprendre l’intime, observent l’extérieur pour tenter de guérir l’intérieur. Elle y aborde sans concessions les tabous, les secrets, fait résonner les drames personnels et historiques, névroses et conflits. Pour l’anecdote, pendant le siège de Sarajevo, s’est déroulé un concours de Miss : des images d’archives montrent ces reines de beauté tendre une bannière où était inscrit « Ne les laissez pas nous tuer ». Cet événement a inspiré une chanson à U2. Et désormais une partie du roman d’Ingrid Thobois. Quand l’art, la beauté, se mettent au service d’une cause nécessaire, vitale, cela peut parfois donner ces moments de grâce.