Littérature française

Pia Petersen

Un écrivain, un vrai

✒ Aurélie Janssens

(Librairie Page et Plume, Limoges)

Si l’on vous dit télé-réalité, vous pensez bimbo écervelée, massacre de la langue française, piscine, amourettes et réflexions creuses, mais certainement pas culture, littérature et écriture. Et pourtant…

Gary Montaigu, écrivain à succès séduisant reconnu par ses pairs, accède à la célébrité en obtenant le Booker Prize. Il se transforme alors en candidat idéal pour un nouveau concept de télé-réalité : filmer chez lui un écrivain dans sa vie quotidienne, occupé à réfléchir à son prochain roman, à coucher ses idées sur le papier, à se relire, à se corriger… bref, entrer au cœur du processus d’écriture. Ce projet ambitieux et original séduit Gary Montaigu qui y voit un excellent moyen de faire entrer la littérature au cœur de la vie des gens à travers un objet accessible, présent chez presque tout le monde : la télévision. Il souhaite « mettre la création romanesque à la portée du public ». Cependant, si ce projet semble honorable dans son intention, il comporte aussi des limites. En effet, la télé-réalité reste ce qu’elle est, avec ses codes. Lorsque, pour faire grimper l’audimat, le réalisateur engage l’écrivain à entamer un flirt, sous les yeux de sa femme, avec la journaliste qui le suit, ou que le jury le pousse à modifier le roman qu’il écrit sous prétexte que tel personnage, tel intrigue, tel chapitre déplait aux téléspectateurs, ou encore quand il est incité à dévoiler au « confessionnal » des souvenirs intimes ou des préoccupations bien plus personnelles que littéraires, Gary se sent prisonnier d’un lieu qu’il entrevoyait comme un nouvel espace de liberté et de création. À l’heure où l’on n’a jamais autant parlé des réseaux sociaux, d’Internet et de télé-réalité infiltrant toutes les strates d’une société conditionnée par le storytelling, Pia Petersen, la plus francophone des Danoises, pose avec beaucoup de talent la question des rapports entre la littérature et ces nouvelles formes d’écriture et de communication. Ont-elles un avenir commun ou sont-elles fondamentalement incompatibles ? Et quel est alors le futur, le nouveau rôle, la nouvelle place d’un écrivain, un vrai ?

 

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