Littérature étrangère

Niccolo Ammaniti

Moi et toi

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Sobrement intitulé Moi et Toi, le dernier roman d’Ammaniti ne parle que de cela : qui suis-je, moi ? Qui es-tu, toi ? Quel est ce « et » qui nous unit ? Un thème universel qui, sous la plume d’Ammaniti, se transforme en récit initiatique lumineux et poignant.

Depuis qu’il est enfant, Lorenzo sent qu’il est différent, qu’il est en perpétuel décalage avec ses petits camarades. Lorsque ces enfants insouciants et naïfs croquent la vie à pleines dents, jouent, rient, Lorenzo se confronte à la solitude et au mépris. Ses parents inquiets l’emmènent chez un psychiatre ; le verdict tombe : Lorenzo a un « sentiment hypertrophique de soi », un ego démesuré. Ce narcissisme s’accompagne pourtant d’une grande intelligence et Lorenzo comprend vite que, s’il ne veut pas être la victime des brimades de ses camarades et des inquiétudes grandissantes de ses parents, il doit changer. Il décide alors, tel un insecte, d’observer ses congénères et adopte leur comportement par mimétisme, allant même jusqu’à intégrer le club de football de son collège. Un jour, entendant des adolescents parler de leurs futures vacances au ski, il rentre chez lui et annonce à sa mère qu’il a été invité par ses amis à skier une semaine. Le mensonge est lancé, impossible de faire machine arrière, ce serait avouer qu’il ne s’est, finalement, pas autant intégré que l’espéraient ses parents. Il monte alors un stratagème et s’aménage dans la cave de l’immeuble familiale une « planque » où il doit rester caché une semaine. Nourriture, livre, jeux vidéo. Tout est prêt. Le plan se déroule comme il le souhaite jusqu’au moment où quelqu’un tente de s’introduire dans la cave. Ce quelqu’un n’est autre que sa demi-sœur qu’il connaît à peine. Hagarde, émaciée, perdue, elle cherche à fuir, à se réfugier quelque part et surtout à trouver un peu d’argent. Lorenzo comprend à quoi lui sert cet argent lorsque celle-ci fait une crise de manque dans la cave. Dès lors va se tisser un lien unique entre ces deux êtres fragiles, marginaux, aux fêlures qu’il faut affronter pour sortir la tête de cette cave, ce sous-sol de la vie où chacun s’est réfugié. Niccolò Ammaniti livre un texte poignant et magnifique où la tendresse côtoie la brutalité de la vie. Le récit d’une métamorphose douloureuse et d’une quête incessante pour trouver sa place aux côtés des autres.

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