Littérature étrangère

Stephen Markley

Ohio

✒ Linda Pommereul

(Librairie Doucet, Le Mans)

Impitoyable conteur et sentinelle discrète mais lucide des maux qui ravagent une Amérique détraquée, Stephen Markley, par la seule arme des mots, dresse un inventaire des désordres et des égarements qui affectent notre époque.

Ce premier roman sombre, construit comme un roman noir, est une véritable fresque sociale de l’Amérique contemporaine. Stephen Markley explore l’infinie impuissance des hommes. Nous naissons et nous mourrons, entre temps, nous vivons, nous survivons au mieux. Par le prisme de quatre personnages qui se retrouvent un soir d’été à New Canaan, une petite ville de l’Ohio où ils se sont connus lycéens, Stephen Markley analyse les effets de la guerre, en Irak ou en Afghanistan, la récession économique sur le cœur de l’homme qui doit sans cesse s’adapter et affronter son destin du mieux qu’il le peut. Mais surtout, il malaxe cette matière humaine perdue dans le flot de ses émotions et de ses sentiments. Tout d’abord, il y a Bill Ashcraft, un ancien activiste humanitaire, dont l’engagement l'a emmené du Cambodge à la Nouvelle-Orléans. Il a peu à peu sombré dans la toxicomanie. Il est de retour chez lui pour livrer un mystérieux colis dont il ne connaît pas le contenu. Au lycée, il connaissait Stacey Moore qui veut rencontrer la mère de son meilleur ami, disparu dans des circonstances étranges. Dan Eaton, est un jeune vétéran de la guerre d’Irak où il a perdu un œil et le goût de vivre. Il espère retrouver son amour jeunesse. Enfin, la sublime et fragile Tina Ross, maltraitée par son petit ami au lycée, après des années de luttes contre des troubles alimentaires, revient l’affronter et solder les comptes. Un roman brillant, complexe qui interroge, à la manière d’une tragédie grecque, la violence, la guerre, les dérangements des esprits et des corps, l’amour, la haine. Les voix alternent dans ce roman façonné d’émotions glaciales et brûlantes. Des âmes errantes perdues dans le labyrinthe de la vie, cherchant à conjurer le sort, inconscientes de la partie qui se jouent jusqu’au point de non-retour.

Les autres chroniques du libraire