Littérature étrangère

Roy Jacobsen

Les Vainqueurs

✒ Linda Pommereul

(Librairie Doucet, Le Mans)

Les éditions Gallimard publient, près d’une trentaine d’années après sa parution en Norvège, Les Vainqueurs. Un roman unique, celui de la classe ouvrière et des mutations profondes du pays après-guerre.

Publié en 1991, Les Vainqueurs fait partie de ces livres incontournables que l’on se transmet de génération en génération. Cette fresque romanesque a connu un immense succès qui la classe parmi les classiques de la littérature norvégienne. On suit la vie d’une famille originaire de la côte du Helgeland sur trois générations, de l’été 1927 jusqu’au printemps 1990. Dans la première partie, Roy Jacobsen nous raconte l’histoire de Marta et de son père Johan. Dans ce pays âpre et beau, ils arrachent à la terre et à la mer ce qu’elles peuvent donner, sans pouvoir subvenir aux besoins de la famille. Johan est même contraint de placer sa fille comme domestique dans une famille riche d’Oslo. Cette vie rude, spartiate, à l’écart nous immerge dans une saga familiale faite de courage, de drames, de silence et d’amour. Dans la seconde partie du récit, le narrateur est Rogern, un des fils de Marta. Il a créé sa propre entreprise et s’est enrichi grâce au bond en avant fait par son pays en un demi-siècle. Car Les Vainqueurs n’est pas seulement un roman, c’est la chronique éblouissante de cette époque difficile de l’après-guerre jusqu’à l’avènement du parti travailliste au pouvoir. Roy Jacobsen reconstitue les changements majeurs d’un pays qui ouvre ses portes à la sociale démocratie à travers les destins croisés de ces gens modestes mais fiers. Jacobsen donne chair à ce quotidien du monde ouvrier, au labeur et aux larmes de cette communauté solidaire dans un récit à la fois dur et majestueux, au gré d’un texte intense et engagé qui nous rappelle que l’Histoire est un éternel recommencement. Comme tout récit monumental, Les Vainqueurs emporte le lecteur dans le tumulte d’une époque, dans le foisonnement d’une narration exigeante et d’une rare poésie, dans les méandres d’une intrigue où la réalité se conjugue à la fiction.

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