Littérature étrangère

György Dragoman

Le Bûcher

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

György Dragomán signe un roman crépusculaire où les personnages, rongés par la schizophrénie du totalitarisme, luttent pour leur salut. Mais l’existence est une messe noire à laquelle la conscience collective se heurte.

Entrer dans l’univers de György Dragomán, c’est pénétrer dans un monde onirique traversé par les faux-semblants d’une génération qui souhaite enterrer son passé pour renaître. Mais les fantômes restent présents comme un témoignage de résistance au temps et aux épreuves. Le Bûcher se déroule dans un village perdu aux confins de la Roumanie. Suite au décès de ses parents dans un accident de voiture, Emma, treize ans, est recueillie par sa grand-mère, une femme singulière qui possède d’étranges pouvoirs comme celui de communiquer avec les esprits. Le Bûcher, comme Le Roi blanc son précédent roman, sont des récits d’apprentissage écrits à hauteur d’enfance, une enfance roumaine où plane l’ombre du dictateur. Le Bûcher est un texte poignant, en demi-teinte et en contre-jour. Le portrait d’une société brutalisée, traumatisée où l’idéologie totalitaire a installé la contrainte et la terreur comme mode de fonctionnement. Dans ce roman tout est d’une précision détaillée. Dragomán a le sens de la mesure et des accords. Peintre de l’évanescence, il s’approprie l’intime, notamment quand il dissèque les thèmes liés à l’adolescence. Il porte un regard juste et tendre sur ce personnage qui se construit en miroir à la folie des hommes et qui porte la voix d’un pays en convalescence. Dans cette Roumanie à la recherche de nouveaux repères, il imprègne son récit d’une dimension fantastique qui ouvre à un imaginaire, métaphore de la monstruosité mais aussi de la différence. Il insuffle à son récit des respirations en invoquant l’art comme nécessaire moyen à la renaissance, à la créativité et à l’irréel. Le dessin devient un matériau pour oublier la cruauté d’un monde. Un conte crépusculaire qui sublime la fragilité des êtres comme un chant des survivants en quête de rédemption.

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