Littérature française

Geneviève Brisac

Dans les yeux des autres

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

Geneviève Brisac fait son grand retour avec un vaste roman. Ce texte aux allures de chronique d’une génération désenchantée s’avère particulièrement efficace, ambitieux, sensible, mais aussi, parfois, cruel et amer.

Geneviève Brisac, auteure et éditrice, est une femme de lettres engagée, amoureuse des mots et attachée à la transmission du savoir. En 1996, elle reçoit le prix Femina pour Week-end de la chasse à la mère (Points). C’est dans le regard des femmes qu’elle trouve son inspiration. Fille, mère ou épouse, ces portraits sont toujours libres et d’une grande maîtrise stylistique. Elle a mis huit ans à écrire ce nouveau roman, inspiré du Carnet d’or de Doris Lessing (Albin Michel). À travers les destins croisés de deux sœurs et de leur mère excentrique, Dans les yeux des autres compose la fresque sociale, politique et affective de la France des années 1970. Au seuil de celles-ci, Anna et Molly, deux sœurs à la complicité indéfectible, font l’apprentissage de la vie, notamment en devenant des militantes passionnées qui parcourent meetings et manifestations politiques. Cet engagement et leur commune quête de liberté les conduit jusqu’au Mexique. Pourtant, des années plus tard, la révolution semble bien loin et les deux militantes sont rentrées dans le rang. Anna est écrivain, Molly médecin. Dans un livre qui rencontre un grand succès, Anna raconte l’histoire de sa famille. Molly, blessée par la peinture que sa sœur fait d’elle, porte plainte contre cette dernière. Même si Anna gagne le procès, sa carrière est brisée. Elle décide pourtant de tenter de se réconcilier avec Molly, qui n’accepte de la recevoir qu’à contrecœur. Elle retrouve alors les carnets dans lesquels elle griffonnait pendant sa jeunesse en usant d’une couleur différente pour chaque thème : rouge la politique, bleu la vie de l’âme et noir pour sa mère. Le lecteur suit l’histoire des personnages par le biais de ces carnets, qui font peu à peu apparaître Anna comme une sorte d’épine enfoncée dans les yeux des autres. Geneviève Brisac réussit le pari de mêler l’intime à l’actualité d’une époque, dont elle restitue le climat avec une sagacité et une justesse toujours percutantes.

Les autres chroniques du libraire