Littérature française

Rencontre avec une maison d’édition exigeante

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Par Guillaume Le Douarin

Librairie L'Écume des pages (Paris)

Un soir, en semaine, Colette Lambrichs a accepté de me recevoir pour parler des éditions La Différence. Elle s’est prêtée avec passion au jeu des questions-réponses. L’entretien s’est déroulé dans les locaux de cette maison qui fut fondée en 1976 par Joaquim Vital, Marcel Paquet et Patrick Waldberg.  

Page — Pouvez-vous me parler de l’origine des éditions La Différence ?
Colette Lambrichs — L’aventure des éditions La Différence a commencé en 1976. À cette époque, la ligne forte de la maison était de publier de la littérature française et étrangère, des essais, de la poésie et des livres d’art contemporain. Il est évident qu’au fil des années (et des déménagements), il y a eu beaucoup de moments clé pour notre maison. Par exemple, dans les années 1980, Joaquim Vital décide de faire connaître la littérature portugaise. En 1989, la collection de poésie « Orphée », dirigée par Claude Michel-Cluny, voit le jour. J’ai été aussi particulièrement attentive à l’entrée d’auteurs belges dans le catalogue. Il y a eu bien sûr, en 2002, la création de la collection « Minos », emblématique de notre maison. À la mort de Joaquim Vital en 2010, nous sommes entrés dans une autre phase.

Page — À ce propos, pouvez-vous m’expliquer ce tournant pris après 2010 ?
C. L. — En 2011, Claude Mineraud rejoint les éditions et décide de restructurer la maison de fond en comble. La forme juridique de la société est modifiée. Nous passons d’une SARL à une SAS, Claude Mineraud devient le président, moi-même la directrice générale et Parcídio Gonçalves le secrétaire général. C’est à cette période que nous dénonçons le contrat de diffusion avec Volumen et créons notre propre structure avec neuf délégués qui viennent présenter nos livres directement en librairie. Il s’agit pour nous de défendre notre production, mais aussi d’inviter d’autres éditeurs à intégrer cette structure de diffusion. Le but recherché est la défense de textes et de maisons de qualité, tout en s’efforçant de parvenir à un équilibre financier.

Page — Quels sont vos projets d’avenir ?
C. L. — Nous en avons entrepris de nombreux ! La collection « Minos », par exemple, a une nouvelle maquette. Cette collection reflète l’esprit initial et le fonds de La Différence. Nous allons d’ailleurs publier prochainement dans cette collection trois titres qui étaient épuisés : Capillaria ou Le pays des femmes de Frigyes Karinthy, Gros Temps sur l’archipel de Vitorino Némésio et La Fièvre de l’or de Narcis Oller. Nous allons aussi maintenir et développer notre collection politique pour coller au plus près des questions d’actualité. Nous avons également la volonté de publier des livres susceptibles de rencontrer un plus large public. C’est avec bonheur que nous publions deux textes forts avant l’été : le dernier livre de Régine Deforges, La Bergère d’Ivry, et Trop de Jean-Louis Fournier. Je salue ces deux œuvres très différentes, qui ont toutefois en commun leur grande liberté de ton. Et puis, l’autre moment fort, c’est la rentrée littéraire. Deux romans sont au programme. Celui de Jean Pérol, La Djouille, qui avait déjà publié Le Soleil se couche à Nippori. Ce nouveau texte a été fortement inspiré et influencé par les quelques années que l’auteur a passées en Afghanistan. Il s’agit d’un très touchant hymne à la liberté et à la poésie. Un homme, sorte de misanthrope, vit presque retiré du monde. Un jour, un jeune homme se propose de venir l’aider à effectuer de menus travaux sur sa propriété. De cette rencontre naîtra une amitié qui permettra au vieux professeur de revivre en souvenir les années passées en Afghanistan. C’est un texte bouleversant. Nous publions également un texte de l’auteur belge Tom Lanoye. Je souligne que Tom Lanoye est un « phénomène » qui sait séduire et capter son public. Porté par un ton grinçant et décalé, Troisièmes Noces aborde le thème du mariage blanc. C’est puissant, parfois glaçant.