Littérature étrangère

Magda Szabo

Abigaël

✒ Linda Pommereul

(Librairie Doucet, Le Mans)

Le nouveau roman de Magda Szabó est de ceux qui font du bien. Parce qu’il est simple et beau à l’image de son héroïne. Abigaël est un merveilleux livre, un texte universel sur les zones d’ombre de l’adolescence, un temps friable et magique que Magda Szabó, en ange gardien, analyse à la perfection.

Si vous avez une passion pour Magda Szabó, précipitez-vous sur ce chef-d’œuvre de l’adolescence contrariée, quand on a cette sensation d’être privée de sa chaleur et de sa douceur et où l’on est persuadé d’être victime de l’injustice du monde des adultes. Magda Szabó est une des figures tutélaires de la littérature hongroise, discrète mais engagée dans la résistance contre le communisme, elle cessera d’écrire pendant plusieurs années, marquée par la Seconde Guerre mondiale. Auteure reconnue et traduite dans une quarantaine de pays, son œuvre phare reste La Porte (Le Livre de Poche), un texte autobiographique étrange et mystérieux, où Magda Szabó nous raconte sa relation fusionnelle avec sa domestique Emerence, une femme libre et une âme simple qui prendra peu à peu le contrôle de la maison. Abigaël est publié pour la première fois en 1970 et figure parmi les classiques de la littérature hongroise, un texte qui réunit les thèmes et les problématiques rencontrés par la jeunesse quand on a quatorze ans et que la guerre vient contrarier l’insouciance d’une vie feutrée. Quelle belle idée de publier ce texte à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Magda Szabó. Abigaël est un texte précieux, grave et généreux sur l’entrée de Gina dans le monde des adultes, un passage qui se fait dans la solitude et dans le chaos d’un monde ravagé par la guerre. « Gina ira en pension. Son père l’a décrété sans donner la moindre explication. » La guerre a éclaté. Pour protéger sa fille, ce père aimant décide d’éloigner sa fille du danger, il l’envoie dans une institution privée proche de la frontière : Matula. Obligée de quitter son quotidien sucré, elle laisse ses amis, son amoureux et surtout sa tendre nourrice qui pallie les absences de son père. Difficile pour cette jeune fille libre, déterminée et parfois capricieuse d’accepter les règles et l’enfermement. Surtout que la séparation a été brutale, sans un regard. Elle se sent abandonnée, incomprise, à vivre jour après jour un quotidien terne dans la solitude et les brimades. Magda Szabó dépeint à merveille cette ronde du temps. Avec délicatesse, elle grave dans l’écorce d’un bois tendre les évolutions du corps et de l’esprit, elle accompagne dans un souffle bienveillant ce passage de l’enfance à l’âge adulte. Mais qui est Abigaël ? Une statue. Selon la légende et de nombreuses rumeurs, cette compagne silencieuse des confessions, des chagrins et des secrets des pensionnaires de Matula, accomplirait des miracles. D’ailleurs, de rebondissements en événements étranges, Abigaël deviendra la protectrice de Gina. Mais qui se cache réellement derrière la statue ? Un livre-culte, habité par le goût fiévreux et mélancolique de l’adolescence.

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