Littérature française

Tatiana Vialle

Belle-fille

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

Belle-fille, c’est une lettre d’amour chuchotée à l’oreille de Jean Carmet grâce à ce magnifique portrait, mais surtout une (re)naissance par l’écriture d’une voix de femme d’une intelligente sensibilité.

Tatiana Vialle signe avec Belle-fille un récit de l’intime en hommage à ce beau-père disparu souvent adulé, parfois détesté : Jean Carmet. Écrire pour raconter l’autre, mais aussi pour expérimenter une part intime de soi. Une vie nourrie de souvenirs retrouvés dans un carton sont le prétexte à ce récit romancé, pudique et délicat. Faire le tour de l’autre pour dire la singularité de ce lien souvent complexe entre cette jeune fille et son beau-père, un lien tissé d’amour, de secret, de regrets, d’absence. « Nous nous sommes adoptés. » Une évidence pour cet homme qui la présente comme sa fille. Pourtant, les sentiments sont confus, entre fierté et cette culpabilité liée à la peur de trahir les siens. Notamment la peur d’oublier ce père qui n’assume plus son rôle, abîmé par la guerre d’Algérie et qui se réfugie dans l’alcool. Un récit d’apprentissage qui interroge la relation filiale et qui permet d’entendre cette voix de femme, timide, lucide, souvent drôle, car l’écriture devient libération. Respirer, à nouveau libre de toute entrave. Ces fragments de vie qui la construisent : le temps de l’enfance où elle se sent invisible. Elle promène alors son regard amusé et révolté sur ce monde des adultes dont elle ne comprend pas les règles du jeu. Les premières blessures, les chagrins et les déceptions qui forgent le caractère. Un texte qui permet de sortir de l’ombre, d’entrer dans la lumière par un jeu de scène sobre et tendre qui livre le portrait d’un homme sensible, parfois tyrannique, qui a occupé une place centrale dans la vie de Tatiana Vialle. Traversé de réminiscences du monde de l’enfance, Belle-fille célèbre la puissance d’une femme, sa capacité à émerger du monde du silence grâce à l’écriture de ce récit vivant, limpide. Mon seul regret à la lecture de ce texte : ne pas avoir vu l’adaptation théâtrale.

Les autres chroniques du libraire