Essais

Andrej Umansky

La Shoah à l’Est

✒ Jérémie Banel

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C’est une question lancinante qui revient depuis 70 ans tant elle interroge les dynamiques de consentement et implique de considérer avec prudence la mémoire. Qui savait et qui a pris part à la machine d’extermination nazie ?

Centré, comme son titre l’indique, sur le déroulement de la Shoah à l’Est, où elle se déroula pour la plus grande partie et ce, avant même la mise en place des camps d’extermination, ce livre est un recueil de témoignages présentés et contextualisés par Andrej Umansky. Au-delà du contenu même de ces témoignages, sur lesquels nous reviendrons, il est d’abord un plaidoyer pour l’usage et la nécessité de la préservation de l’archive. C’est par elle que nous sont données à lire les confessions de ces Allemands et Allemandes, acteurs ou spectateurs des meurtres de masse de plus de deux millions de juifs. Et le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’ils sont à proprement parler saisissants. Organisés en trois parties thématiques (les bourreaux, les petites mains, les spectateurs), ils présentent une variété d’actions et de réactions qui, in fine, forment un tout. Du curieux au bon soldat en passant par l’exécutant plein de remords, c’est une vie quotidienne à la fois très banale qui se déroule sous nos yeux, mais avec une toile de fond de cruauté et d’horreur qui emplit l’espace. Continuer à vivre quand on massacre, si ce n’est soi-même, juste à côté de chez soi, voilà tout le cœur de ce livre et son message terrifiant. On y voit également ou, pour être plus précis, on ressent pleinement la place de ces juifs d’Europe de l’Est au moment même où on les extermine. Cette disparition en cours rend d’autant plus criante la place centrale qu’ils occupaient ici, mettant en lumière une société malade et folle qui extirpe d’elle-même une partie de son corps. C’est cette partie-là qui revient lors de chaque génocide et que ce livre contribue à creuser, pour mieux comprendre et peut-être prévenir : les silences complices et les petits arrangements moraux sont, dans ces moments, autant à craindre que les grands discours.

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