Essais

Xavier Mauduit

L'art de l'Histoire

Entretien par Jérémie Banel

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Rubrique hebdomadaire dans son émission « Le cours de l'Histoire » sur France Culture, Fou d'Histoire devient un beau livre, illustré et complété par le regard de Xavier Mauduit. Dix invités aux horizons artistiques variés pour entrer dans une Histoire sensible, incarnée et passionnée.

Issus d'entretiens menés pour la radio, les échanges qui constituent le livre bénéficient d'une nouvelle vie via l'écrit. Comment avez-vous abordé cette « redécouverte » ?

Xavier Mauduit Il est en effet possible de parler de redécouverte avec Fou d’Histoire. La première étape a été de transcrire ces émissions et, je vous le dis avec franchise, l’oralité ne supporte pas la mise à l’écrit. Voilà pourquoi ces textes ont été soigneusement travaillés avant d’être soumis aux artistes, auteurs, autrices… qui les ont corrigés à leur tour : je pense que ce fut une redécouverte pour tout le monde ! Le résultat est très riche, un vrai voyage dans le temps, des Compagnons de la Libération aux tambourinaires du Burundi, des cosaques à Mozart. La règle adoptée dès l’origine du livre est qu’il ne devait pas être le copier-coller des émissions de radio qui ont leur vie sous forme de podcast. Il fallait inventer quelque chose de nouveau, avec un texte complètement revisité, une iconographie qui dépasse la simple illustration, et des apports historiques.

 

Chaque entretien est accompagné d'encarts historiques rédigés par vos soins, pour compléter et enrichir la parole des contributeurs, ainsi que d'illustrations nombreuses : comment s'est déroulée cette partie de l'écriture ?

X. M. Le mot Histoire a plusieurs sens. C’est la connaissance du passé, avec les événements et la vie des gens qui nous ont précédés, depuis les temps les plus anciens jusqu’au présent. C’est aussi une discipline scientifique avec ses règles, sa rigueur. Voilà pourquoi, à côté des récits personnels qui évoquent un rapport individuel au passé, se trouvent des encarts qui rappellent les avancées de la recherche historique. Quant aux images, elles sont toujours présentes. À l’écoute d’une émission de radio, des images mentales surgissent à l’évocation de Louis XIV, du Parthénon ou de Notre-Dame-de-Paris. Si je vous dis : ne pensez-pas à Napoléon avec son bicorne, c’est trop tard : vous l’avez déjà en tête ! La littérature permet aussi cette magie. Avec Fou d’Histoire, les images ne sont pas seulement là pour illustrer ce qui est dit, mais pour l’enrichir, parfois par une évocation. Il est assez facile d’illustrer un personnage historique ; il est plus complexe d’illustrer une idée, mais les artistes sont là pour ça !

 

Au carrefour de l'intime et du collectif, ces entretiens questionnent les liens entre Histoire et pratiques artistiques. Qu'apporte selon vous le regard de non spécialistes ?

X. M. Étudier le passé avec la rigueur scientifique, c’est le travail des historiennes et des historiens. C’est alors qu’intervient l’artiste, l’auteur, l’autrice, qui se nourrit de ce savoir pour construire une œuvre. Ces romans, sculptures, tableaux sont souvent, pour nous, la première rencontre avec un personnage ou une période du passé. De là naît le goût de l’Histoire, l’envie d’aller plus loin et, pourquoi pas, de se plonger dans les travaux des historiennes et des historiens. Dès lors, il me semble pertinent de laisser la parole à celles et ceux qui, par la fiction, transmettent le plaisir de l’Histoire. Pourquoi Laurent Gaudé s’est-il intéressé à l’épopée d’Alexandre le Grand ? Pourquoi Alice Zeniter s’est-elle demandé si elle pouvait être « une fille sans Histoire » ? Pourquoi Jean-Michel Othoniel a-t-il décidé de faire danser Louis XIV sur les eaux de Versailles ? À cela s’ajoute des histoires personnelles, familiales, avec Macha Méril et les Russes blancs, C215 et les Compagnons du Devoir, Gaël Faye et la violence génocidaire, Laurence Equilbey et la musique baroque, Maylis de Kerangal et le port du Havre. En plus de découvrir des univers fascinants, parfois troublants ou émouvants, ces récits personnels nous poussent à porter un autre regard sur les œuvres de celles et ceux qui se confient.

 

Pour finir, quel fou d'Histoire êtes-vous ?

X. M. Comme beaucoup, je suis incapable de dire pourquoi, depuis mon enfance, j’ai toujours été intéressé par l’Histoire, une passion devenue métier. Pourquoi une trace du passé provoque chez moi une vive émotion et, très vite, l’envie d’en savoir plus et de l’étudier ? S’il est question de folie, c’est aussi de plaisir, intense, avec l’envie de le partager.

 

À côté de l'Histoire scientifique se niche, consciemment ou pas, en chacun d'entre nous, un rapport personnel au passé. C'est cette dimension que creuse Xavier Mauduit au cours de ces échanges avec des artistes de toutes disciplines, qui racontent (et se racontent) comment les arts, l'Histoire et les histoires se nourrissent et s'interpénètrent dans leur travail et dans leur vie. Avec deux ajouts essentiels permis par le support livre : d'abondantes illustrations, qu'elles soient issues du travail des invités ou fassent partie d'un imaginaire personnel ou collectif, et des précisions historiques par Xavier Mauduit lui-même, pour restituer, dans la complexité de leur contexte, les événements dont il est fait mention. Un livre plein de vie, composé de mille et une façons de se nourrir du passé.

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