Essais

Notre maison brûle

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✒ Jérémie Banel

La crise écologique en cours, aux conséquences chaque jour plus prégnantes et précises, nécessite d’appréhender notre monde différemment mais aussi de comprendre comment l’habiter en limitant notre impact. Tour d’horizon.

Pour commencer, un des livres les plus stimulants de cette rentrée : Terre-mer de Bathsheba Demuth, judicieusement sous-titré Une histoire environnementale du détroit de Béring. Un lieu partagé géographiquement entre deux continents, deux pays porteurs d’idéologies politiques aux antipodes l’une de l’autre, mais avant tout la terre de celles et ceux qui y vivent depuis toujours, de part et d’autre du détroit. Elle nous raconte avec précision ces modes de vie brisés par l’irruption de la modernité (en l’occurrence des chasseurs de baleines pour leur graisse indispensable à la révolution industrielle) et la perturbation des écosystèmes, jamais stoppée depuis. Depuis la Béringie, elle documente à la fois les effets des choix économiques et marchands motivés par la prédation, et le manque d’égard, par ignorance, puis par facilité et cynisme, envers les rythmes de la nature, ses capacités de stockage et de régénération.

Avec une approche très différente, la question de l’accumulation est également centrale dans la thèse de Christian de Perthuis, économiste, qui propose, avec Carbone fossile, carbone vivant, une réflexion sur les ressources du passé qui, du fait de leur exploitation incontrôlée, nuisent à notre futur. C’est cette tension entre le vivant et le mort qu’il étudie, en scientifique. En s’attachant à décrire les interactions et réactions en chaîne entre émissions de gaz à effet de serre et dégradation du vivant et en liant celles-ci à une gestion rationnelle d’un stock immense mais à la fois fini et toxique, il pose dans le débat un paradigme fécond pour effectuer des choix politiques et collectifs, à la fois raisonnés et scientifiquement éclairés.

Enfin, l’autre élément central de nos sociétés carbonées, le feu, est au cœur du livre de Dalie Groux, au point de lui donner son titre : La Civilisation du feu. Sans lui, pour le meilleur et pour le pire, rien de tout ça n'aurait été possible. Et s’il est vrai que nous brûlons littéralement nos ressources, de la graisse de baleine de Béringie au gaz de schiste, ce livre explore également une face plus sensible, plus directement politique. Avec une prose spontanée, mêlant souvenirs du passé, colères du présent et approche conceptuelle, ce sont toutes les facettes de notre humanité prométhéenne qui surgissent sous nos yeux, dans ce qu’elles ont de plus sombre. Au risque de l’auto-embrasement.