Beaux livres

Antoine Laurain , Gérard Bauër , Pierre de Régnier , Henry Becque

La Parisienne de Paris

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Chronique de Marie-Laure Turoche

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Un livre sur la Parisienne ? Pour les fêtes ? Comme c’est original ! Non, je vous rassure, c’est beaucoup plus qu’un simple recensement des meilleures boutiques de Paris. À l’aide de textes indémodables et des illustrations de René Gruau, nous découvrons celle qui nous fascine tous, j’ai nommé : « la Parisienne » !

Attachons-nous tout d’abord au titre : La Parisienne de Paris. L’utilisation de cette tautologie est nécessaire, car, comme le souligne Antoine Laurain dans son introduction, on peut facilement comparer une Parisienne à une New-Yorkaise, une Berlinoise ou une Londonienne : « si tous ces qualités et défauts sont applicables à d’autres femmes dans le monde, qui est donc notre Parisienne ? Cette chimère, ce Belphégor des dressings qui hante l’esprit français depuis… mais depuis quand exactement ? Parlait-on de “Parisienne” dans les siècles passés ?… » Eh bien oui ! Et Antoine Laurain le démontre brillamment en citant Molière ou encore Rousseau. Ce mythe de la Parisienne a traversé les siècles et enflammé les hommes. Il est donc logique de confier la parole à des messieurs pour cerner cette figure emblématique. Nous avons cité Antoine Laurain, écrivain talentueux qui a déjà peint un très beau portrait de femme dans La Femme au carnet rouge (Flammarion). Évidemment, ce livre ne pouvait se faire sans Gerard Bauër et son essai La Parisienne, rédigé en 1929 : « La Parisienne ! Grande prétention de vouloir fixer en un essai les caractères, fussent-ils momentanés, d’une race vers laquelle sont tournés les regards de ce monde. On sait bien ce que répliquent les censeurs de tels ouvrages. Cela ? La Parisienne ? Quelques Parisiennes tout au plus. » Il est vrai que la tâche n’est pas aisée. Peut-on vraiment faire un portrait de tant de caractères ? Car chaque femme possède de multiples facettes. Elle est complexe et mystérieuse, et donc… très attirante. On ne s’étonne donc pas du nombre d’écrits qui portent sur cette frange de la gent féminine. Un autre homme s’est penché sur la question, Pierre de Régnier, en 1928, dans un texte tout simplement intitulé La Femme. L’auteur explique qu’il refuse de montrer la femme comme une pauvre chose fragile et que, en amour, elles peuvent se montrer aussi redoutables que les hommes. Plusieurs portraits de femmes, un seul homme, Bernard. Tour à tour, nous découvrons ses histoires malheureuses dans « Alice ou l’amour », « Simone ou le désir », « Betty ou le snobisme », ou encore « Rosine ou la folie ». La fameuse pièce de Henry Becque, La Parisienne, qui date de 1885, vient clôturer cet ouvrage. Cette comédie raconte les histoires de Clotilde, de son mari et de ses amants, et la façon dont elle manipule tout ce petit monde. Féminine, maligne et manipulatrice, elle revendique son droit à la liberté et notamment à la liberté sexuelle. Pour finir, à l’image de la Parisienne qu’il présente, ce livre se devait d’être élégant. Qui mieux que René Gruau et ses fameux croquis pouvaient remplir cette fonction. Possédant un véritable sens de la mode, il a su comme nul autre illustrer la femme parisienne. On dit souvent aujourd’hui qu’il n’y plus de « vrais » Parisiens. Serait-ce la même chose pour la « Parisienne » ? Pour répondre à cette question, j’ai envie de faire appel à une autre grande Parisienne, Simone de Beauvoir (j’espère qu’elle me pardonnera de détourner l’une de ses célèbres citations) : « On ne naît pas parisienne, on le devient ! »

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