Littérature étrangère

Marco Magini

Comme si j’étais seul

Chronique de Marie-Laure Turoche

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Pour son premier roman, Marco Magini a choisi de raconter le destin tragique de Drazen Erdemovic, ce soldat serbo-croate qui a endossé à lui seul la barbarie des hommes.

Drazen Erdemovic est à peine âgé d’une vingtaine d’années lorsque la guerre éclate en Yougoslavie. Il décide de s’engager, plus pour subvenir aux besoins de sa famille que par conviction. En 1995, il est forcé de participer au massacre de milliers de Bosniaques dans la ville de Srebrenica. Il sera le seul à se dénoncer lors du procès qui suivra. Pour raconter cette terrible histoire, Marco Magini a choisi trois narrateurs : Dirk, Casque bleu néerlandais qui parle pour l’ONU, Romeo Gonzales, magistrat espagnol qui participe au procès, et Drazen Erdemovic lui-même. À travers ces trois voix, l’auteur montre qu’on ne peut pas prendre parti. « À Srebrenica, la seule façon de rester innocent était de mourir. » Le livre est extrêmement dur et poignant et certaines scènes sont à la limite du soutenable. Pourquoi s’infliger cette lecture ? Parce qu’il s’agit d’un épisode récent de notre Histoire ; pour se rappeler que tout homme pris dans un engrenage peut oublier sa propre nature et se transformer en robot, en machine à tuer, en animal. On se prend l’horreur de la guerre en pleine figure et c’est aussi cela la littérature, sonder les tréfonds de l’âme humaine, nous secouer, nous déranger.

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