Littérature française
Irène Frain
La Fille à histoires
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Irène Frain
La Fille à histoires
Seuil
21/09/2017
224 pages, 18 €
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Chronique de
Marie-Laure Turoche
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❤ Lu et conseillé par
3 libraire(s)
- Betty Trouillet
- Nathalie Claudel de La Compagnie des livres (Vernon)
- Lydie Baillie de Aux lettres de mon moulin (Nîmes)
✒ Marie-Laure Turoche
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La Fille à histoires ou comment Irène Frain est devenue écrivain. Dans ce très beau livre intimiste, elle revient sur sa relation compliquée avec sa mère qui justement lui en racontait souvent, des histoires.
Ce n’est pas la première fois que la romancière bretonne écrit sur sa famille. On pense notamment à La Maison de la source (Fayard, 2000) ou encore Sorti de rien (Seuil, 2013) dans lequel elle retraçait le parcours de son père. Dans son dernier ouvrage, elle a choisi de raconter cette relation très particulière qu’elle avait avec sa mère, mais surtout elle explique comment le rejet de la femme qui l’a mise au monde a fait d’elle un écrivain. Irène Frain n’était pas une enfant désirée. Sa mère avait appris qu’elle n’était pas le grand amour de son mari et ce sentiment d’amertume et de colère a rejailli sur cette petite fille. Irène Frain n’était pas une enfant qui devait vivre. Elle est une miraculée. Son prénom Irène est une pitoyable vengeance de sa mère. Dès sa naissance, la vie d’Irène ressemble à celle d’une héroïne de roman du XIXe siècle. Sauf qu’elle prendra très vite les commandes : les histoires c’est elle qui va les faire, c’est elle qui va les écrire. Sa mère était une femme qui racontait toujours des anecdotes, des commérages. Elle embellissait, extrapolait, exagérait selon ses envies. La jeune Irène, dans un souci de se rapprocher de sa mère ou tout simplement tenter de comprendre ce désamour, restait suspendue à ses lèvres. Sa mère lui a donné le goût des histoires, faisant d’elle une « fille à histoires ». Il ne s’agit pas pour Irène Frain de faire le procès de sa mère, il faut écrire pour tenter de la justifier, non la condamner. L’écriture de ce livre est certainement une forme de thérapie pour l’auteure. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle choisit cette citation de Michel Butor pour exergue : « Écrire, c’est détruire les barrières. » Irène Frain brise un tabou, celui d’une mère qui ne réussit pas à aimer l’un de ses enfants. Un récit touchant et très personnel de la fille dont on aime tant les histoires.