Littérature étrangère

Antonio Pennacchi

Mammouth

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Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

Remarqué pour Canal Mussolini (Liana Lévi, 2012), son premier roman traduit en français en 2012, Antonio Pennacchi a d’abord écrit Mammouth en 1987. Largement inspiré de son parcours, c’est un tableau piquant et fraternel du monde ouvrier.

Celui que l’on surnomme l’écrivain-ouvrier prétend ne savoir que raconter des histoires vraies et affirme que « le rôle de l’auteur ce n’est pas d’inventer la réalité mais de donner la possibilité de regarder la réalité d’un autre point de vue. » Ici le point de vue, c’est évidemment celui de l’ouvrier Pennacchi qui a travaillé pendant plus de trente ans en usine et qui, licencié à 50 ans, a poursuivi des études à l’université grâce à ses allocations chômage. Ici la réalité, c’est celle d’une usine (l’usine de câbles Supercavi) et de ses ouvriers. Sans compter que sans ouvriers ou apprentis, point d’employés, de cadres et encore moins de patron, non ? Rendez-vous donc à la pointeuse, en bleu de travail (et pull en sus à défaut de chauffage). Ici le travail se fait en équipe, parfois de nuit, et dans des conditions discutables. Avec tendresse et dérision l’auteur n’hésite pourtant pas à égratigner tout le monde. Son tableau du monde ouvrier est cocasse et fraternel. Leader syndical fort en gueule, Benassa, le héros, en a sous la casquette, mais il en a aussi ras le bol. Excellent orateur, il passe de la seconde à la cinquième, comme un petit bolide. À son compteur : trop de manifs, de grèves, de réunions syndicales, de réveils décalés, de désillusions… mais aussi beaucoup de coups de griffe comme de coups de cœur, pas mal d’humour, de charisme, de fines négociations. Et vient un jour où la proposition d’un chef du personnel pourrait bien le tenter et le pousser à changer de voie… Rien qu’à lire l’avant-propos, tout le talent et le piquant, la sagacité et l’humour de Pennacchi sont réunis pour évoquer les ouvriers, les syndicats, l’entreprise, le patronat ou la loi du marché. Benassa affirme : « La classe ouvrière est désormais une espèce en voie d’extinction […]. Nous nous sommes éteints. Culturellement. Politiquement. Numériquement parlant. Comme les mammouths. » On rit jaune car ce court roman est plus que jamais d’actualité !

 

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