Littérature étrangère

Peter Stamm

La Douce Indifférence du monde

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Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

Une structure raffinée et sinueuse, une écriture simple et sensible nourrissent le nouveau texte de Peter Stamm. L’écrivain suisse y interroge l’amour : une histoire à portée universelle et poétique.

Un cimetière. Drôle d’endroit pour une rencontre. C’est pourtant là, dans le grand cimetière de Stockholm, qu’un homme (narrateur du roman) retrouve une jeune femme. Elle se prénomme Léna et rappelle intensément à cet homme la femme dont il était très amoureux il y a une vingtaine d’années. Cette femme tant aimée s’appelait Magdalena et était comédienne. L’homme se confie à la jeune inconnue : après sa rupture avec Magdalena, il a entrepris d’écrire un livre sur leurs années de vie commune. Tandis qu’il développe son récit et relève toutes sortes de similitudes entre la vie de Léna et celle de Magdalena, son interlocutrice reste sur ses gardes. Pour elle, ces rapprochements ne sont que fortuits, des coïncidences. En effet, Léna a vingt ans de moins. Pourtant, elle est aussi comédienne et amoureuse. Et se confie. Avec délicatesse et virtuosité, Peter Stamm cisèle en de courts chapitres un récit troublant qui suscite autant la curiosité que la réflexion. Il y interroge les obsessions de l’amour et les confusions de la vie. Développant le thème du double, de l’identité et du destin, son propos explore aussi le rapport complexe qu’entretiennent la réalité et la littérature. La structure de son texte, sinueuse et subtile, ponctuée de flash-back et de bribes de souvenirs, de répétitions et d’échos, renforce la densité poétique de son sujet. Il est question d’amour, certes. Entre fiction et réalité, hasard et détermination, vérité et folie. « Le coup de foudre (…) on y croit après coup, quand on fabrique son histoire, quand on se met d’accord sur une version commune, un mythe créateur ayant présidé à la rencontre. Parce que c’est plus simple d’y croire, et plus beau aussi. » Assurément, Peter Stamm poursuit ici une œuvre à la puissance littéraire singulière.

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