Littérature étrangère
Ian McEwan
Une machine comme moi
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Ian McEwan
Une machine comme moi
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon
Gallimard
09/01/2020
430 pages, 22 €
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Chronique de
Stanislas Rigot
Librairie Lamartine (Paris) - ❤ Lu et conseillé par 15 libraire(s)
✒ Stanislas Rigot
(Librairie Lamartine, Paris)
Charlie vient de s’acheter un Adam, androïde doté d’intelligence artificielle. Mais le meilleur de la technologie peut-il simplement s’adapter au quotidien ? Ian McEwan revient avec un récit qui allie ton corrosif et intrigue aux nombreux tiroirs, une réflexion glaçante sur un futur proche qui se serait joué hier.
Quatre-vingt-six mille livres : c’est cette somme faramineuse que vient de débourser Charlie pour l’achat d’un Adam, l’un des vingt-cinq androïdes qui viennent d’être mis sur le marché. Deux types de modèle étaient en vente : les Eve (douze exemplaires) et les Adam (treize exemplaires). Charlie était parti pour s’offrir une Eve mais il est arrivé trop tard. Faute de grives, on mange des merles et notre héros s’est donc malgré tout laissé tenter par la version masculine de ces machines révolutionnaires. Agé de 32 ans, vivant seul, sans travail mais boursicotant au jour le jour sur Internet, ce passionné de technologie, comme il aime à se définir, a investi le reste de l’argent hérité de sa grand-mère pour vivre cette expérience hors du commun : vivre avec un androïde. Il est accompagné dans cette aventure par sa voisine du dessus, la charmante Miranda, étudiante spécialiste d’histoire sociale, de dix ans sa cadette, elle aussi plus qu’intriguée par cette machine et les perspectives qui semblent s’ouvrir avec cette dernière. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que ce qui s’annonce comme un autre grand pas pour l’humanité s’avère sur le moment un rien décevant : l’Adam déballé, à l’allure si fascinante (quoique tout le monde ne soit pas d’accord sur cette question, Miranda lui trouvant l’allure d’un docker du Bosphore) nécessite d’être rechargé pendant deux jours. Alors Charlie passe le temps. Il regarde les informations marquées par le départ des troupes anglaises pour les îles Malouines qu’il faut reprendre aux Argentins après le coup de force de ces derniers. Nous serions donc en 1982. Mais alors, cet Internet ? Mais alors ces androïdes ? Et le brouillard s’épaissit un peu plus encore lorsque, à la surprise générale, l’armée anglaise revient humiliée et défaite. Une fois encore, Ian McEwan décroche, en ouverture de ce nouveau roman, un puissant crochet du gauche (faut-il rappeler le fœtus gavé d’informations de Dans une coque de noix ?) et réclame, dès la conclusion du premier chapitre, le K.O de son lecteur. Tout aussi brillant que vénéneux, drôle que glaçant, Une machine comme moi aborde, au prisme de ces trois héros (Adam n’étant pas le moins important), de nombreux thèmes, de l’intelligence artificielle à la littérature, du couple à la paternité, en passant par l’éducation et l’évolution du monde détournée allègrement. En pleine forme, Ian McEwan distille ce qu’il faut de suspens et de mystère pour faire de ce quinzième roman un incontournable de cette rentrée 2020.