Polar

Deon Meyer

Kobra

✒ Stanislas Rigot

(Librairie Lamartine, Paris)

Deon Meyer relève une fois de plus le gant et délivre un impeccable roman policier, sans autres effets qu’une histoire implacable au rythme parfaitement maîtrisé et aux rebondissements dévastateurs, une histoire aux personnages attachants et au contexte toujours aussi dépaysant. Et si l’avenir du polar se jouait désormais au Sud ?

Kobra s’ouvre sur une scène de crime. Dans un magnifique gîte situé aux alentours de la ville du Cap, trois hommes gisent, assassinés. L’un d’eux faisait partie du personnel d’entretien, les deux autres travaillaient comme gardes du corps pour une onéreuse et sélecte société de protection privée. Les impacts de balles, précis, ne laissent aucun doute : les tueurs sont des professionnels. Les douilles retrouvées, toutes siglées d’un cobra et des initiales NM, le confirment si besoin était. Sur place se précipitent le capitaine des Hawks (direction des enquêtes criminelles prioritaires) et Benny Griessel, bien connu des amateurs de Deon Meyer. Et Benny a fort à faire : il est visiblement en très mauvaise forme (tout le monde s’accorde à penser qu’il se serait remis à boire) et l’homme qui était censé être protégé dans cette maison a sans doute été enlevé. De plus, personne ne sait qui il est réellement, son identité s’avérant bientôt usurpée, si ce n’est qu’il serait citoyen britannique – ce qui complique lourdement la tâche des policiers sud-africains… Bref, l’affaire prend un tournant dangereusement diplomatique, avec ce qu’il faut de pression extérieure (voire intérieure, avec l’intervention des services secrets du gouvernement de Pretoria). Parallèlement, nous suivons Tyrone Kleinbooi, pickpocket des plus doués, qui finance les études de médecine de sa sœur à l’aide de ses larcins. Lorsque son chemin croise les protagonistes de l’affaire dite Kobra, la situation devient franchement explosive. Deon Meyer est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux représentants d’un courant que l’on pourrait appeler, par défaut, « roman policier classique ». Soit, une enquête à résoudre et des flics comme principaux protagonistes, une absence de complaisance dans la violence en général, des méchants très méchants, pas d’ésotérisme ou de fantastique à la petite semaine. Héritier du Connelly de la grande époque, Deon Meyer réanime le genre grâce à son talent redoutable pour mettre en scène une action qui rive son lecteur à l’histoire, jusqu’à le laisser pantelant dans les dernières pages. Il ajoute à cette énergie une profonde humanité qui lui permet de composer des personnages principaux et secondaires très vite familiers au lecteur. Cerise sur le gâteau : le contexte dans lequel se déroulent ses romans, l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, celle de l’après apartheid, aussi désespérante que fascinante, aussi belle que violente. Kobra s’inscrit parfaitement dans ce cadre et s’affiche comme une franche réussite. Une confirmation pour ses nombreux fans et, en même temps, une excellente introduction pour les bienheureux qui découvriront cet univers. En un mot comme en cent : rejoignez les Hawks !

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