Littérature étrangère

C’est dans la poche

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DP

✒ Dominique Paschal

(Pigiste )

Les cinq pages qui suivent ont été spécialement pensées pour ceux de nos lecteurs qui souffrent de la phobie des bagages – une maladie qui, à la veille des vacances, réveille souvent de douloureuses angoisses, des tensions avec les proches, et peut même être source de drames familiaux. Les livres de poche se passent très bien de valise, on les glisse dans une poche et ils n’en demandent pas plus. Les autres, les normaux, ceux qui entretiennent avec leurs fardeaux de voyage des relations aussi sereines que possible, devraient aussi trouver leur compte dans cette sélection de vingt-cinq livres de poche.

Qui est le « fils de Bakounine », surnom de Tullio Saba ? Le petit-fils d’un esclave, le fils d’un cordonnier, un homme séducteur, arrogant, un fidèle compagnon, un communiste, un mineur engagé dans les luttes sociales ? C’est ce que tente de découvrir un journaliste grâce aux témoignages de ceux qui l’ont connu de près ou de loin, les confessions et les on-dit. À travers le portrait en mosaïque de cet homme c’est une peinture de la Sardaigne, du fascisme aux années 1950, que nous offre avec finesse et humour Sergio Atzeni (coll. « Libretto », Phébus).

À des années et des kilomètres de là, contraint à l’immobilité par un accident de voiture, August Brill, critique littéraire à la retraite, meuble ses nuits d’insomnie avec ce qu’il sait faire de mieux : créer. Il s’invente un double : Owen Brick, dans une Amérique où le 11 septembre n’aurait pas eu lieu et où une guerre contre l’Irak aurait été déclarée. Grâce à un astucieux procédé de récits gigognes, Paul Auster fait se confronter, dans son roman Seul dans le noir, la fiction et la réalité dans un dialogue où l’individu doit s’interroger sur son existence et son rôle dans l’Histoire.

Un autre auteur, Nick Hornby, nous livre cette fois, dans le registre de la comédie, un roman contemporain aux personnages attachants : Annie, 35 ans, employée au musée de Gooleness, petite ville côtière morne, et son compagnon, Duncan, sorte d’adolescent attardé monomaniaque de Tucker Crowe, rock star disparue de la scène et du public depuis près de vingt ans. Il tient un blog de fans où circulent les rumeurs les plus folles sur sa disparition. Un jour, Duncan reçoit une démo acoustique d’un album inédit, Juliet Naked. Dès lors leur petite vie paisible va voler en éclats.

Et puis vous l’attendiez tous, voici le retour de Zuckerman, l’anti-héros de Philip Roth. Après s’être exilé pendant onze ans à la campagne, retiré du monde, il est contraint de revenir à New York pour une opération de la prostate. Durant ce périple, il rencontre trois personnes : Jamie, une jeune femme dont il tombe amoureux, Amy Belette, l’ancienne muse de son mentor Lonoff, et Richard Kliman, jeune arriviste qui veut écrire une biographie de ce dernier. Un roman désenchanté et profond à l’humour des plus grinçants.

Enfin, pour continuer sur un ton humoristique mais du côté de l’absurde cette fois, voici L’Angoisse de la première phrase, où l’on se demande ce qu’ont en commun un écrivain qui, redoutant l’angoisse de la première phrase parfaite commence par écrire la seconde, un passe-muraille qui s’enfuit, des villes qui se déplacent toutes seules, Karl Marx sur un bateau, ou encore une entreprise qui vend du mensonge. La réponse ? Ils se retrouvent tous dans ce recueil de seize nouvelles drôles, poétiques, et surprenantes sous la plume d’un Bernard Quiriny dont les parrains pourraient être Borges et Marcel Aymé. Un vrai régal!

Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume, Limoges

 

Dans quelques semaines, vos valises seront bouclées et vous n’oublierez pas d’emporter le compagnon indispensable à cette pause : un livre. Suivez-moi, si le cœur vous en dit. D’abord en Angleterre, sur les côtes brumeuses et ventées du Dorset où vit Mary Anning, qui fut une paléontologiste célèbre. 1810 : la jeune Mary découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces « prodigieuses créatures » dont l’existence remet en question toutes les théories sur la création du monde. De condition modeste, elle se heurte aux préjugés de la communauté scientifique. Elle trouve bientôt en Elisabeth Philpot, vieille fille issue de la bourgeoisie, une remarquable alliée. Entre amitié et rivalité, les deux femmes vont vivre de passionnantes aventures.

Nous embarquons ensuite pour l’Amérique et rejoignons Rachel Dupree, descendante d’esclaves, mère courage dans les Badlands du Dakota du Sud au début du xxe siècle. Les époux Dupree étaient fiers d’être les premiers fermiers noirs de la région. Hélas, quatorze ans plus tard, le constat est désespéré : le bétail se meurt et la famille est ruinée.

C’est dans le Missouri que nous poursuivons notre voyage avec l’unique et somptueux roman de Jetta Carleton. Cette chronique familiale puissante et nostalgique nous conte le destin de Matthew et Callie Soames, un couple de fermiers et leurs quatre filles. Jessica leur brisera le cœur, Léonie tombera amoureuse de l’homme qu’il fallait éviter, Mary Jo partira faire carrière à New York et le destin de Mathy, l’enfant sauvage, se conclura par la plus terrible des tragédies.

Après le Sud, à nous les grands espaces de Montana, 1948. Ici couve une lutte fratricide qui résonne d’accents quasi bibliques. Les grandes forces de l’existence s’affrontent et se heurtent, magnifiées par le regard de David, le jeune narrateur. Cet été-là, une jeune femme sioux porte de lourdes accusations à l’encontre de l’oncle de David. Ce dernier est un charismatique héros de guerre et un médecin respecté. Le père du garçon, shérif de son état, va donc devoir affronter son frère aîné.

Nous terminerons notre périple au Canada sur les traces de Mary Bolton, alias la veuve, dans un premier roman picaresque plein de verve, sorte de western au féminin. Mary, 19 ans, vient de tuer son mari et est poursuivie par ses beaux-frères, des jumeaux géants et roux assoiffés de vengeance. Aussi étrange que fascinante, la jeune femme va croiser une série de personnages hauts en couleur auxquels elle s’attachera un temps, avant de poursuivre indéfiniment sa route.

Sandrine Maliver-Perrin
Librairie Sauramps, Montpellier

 

Un super roman en poche pour les vacances, c’est bien. Deux, c’est mieux ! Mais avec ces cinq-là, vous êtes sûrs de passer un bel été, entre humour, évasion et textes forts. Pour commencer le voyage en douceur, je vous conseille un beau portrait de femme, Le premier amour, de Véronique Olmi, qui vous fera parcourir le chemin vers l’Italie aux côtés d’Émilie et de ses souvenirs qui affluent. Tout quitter et prendre la route pour retrouver l’intensité de son premier amour, voilà un joli voyage plein de nostalgie.

Si vous avez encore devant vous quelques heures de train, embarquez pour une mission un peu spéciale avec Hugo Boris. Je n’ai pas dansé depuis longtemps est un petit roman d’un lyrisme rare qui nous transporte dans l’espace. Ivan a été choisi pour vivre à bord de la station MIR pendant plus d’un an. Avoir la tête dans les étoiles, il en rêvait, mais une fois là-haut, tous ses repères sont chamboulés. Dans ce lieu clos, il perd pied avec une réalité qui n’est pas tout à fait celle d’un homme attaché aux pulsations de la Terre et à sa gravité. Ce n’est qu’une fois redescendu sur Terre que vous pourrez faire un petit détour par le Danemark, avec L’art de pleurer en chœur d’Erling Jepsen.

Autre lieu clos, autre ambiance dans ce village où l’épicier fait vivre la famille grâce à ses talents d’orateur… lors des messes d’enterrements ! Avec ses discours dignes des plus grandes tragédies, il sait émouvoir son auditoire. Et quand il s’agit de s’assurer une clientèle fidèle, la mort peut rapporter gros. Un roman à la fois drôle et déroutant qui rappelle le talent des cinéastes des pays nordiques. Enfin, quand vous aurez posé vos valises, vous pourrez lire deux superbes textes, deux témoignages puissants sur la guerre. Dans Mon enfant de Berlin, Anne Wiazemsky évoque la rencontre de ses parents en 1945 dans un Berlin dévasté. La finesse du roman tient dans l’habileté de l’auteur à mêler la fiction et l’histoire de sa famille, tiraillée entre la tradition russe et le clan catholique des Mauriac. Une entrée en matière qui vous mènera naturellement vers une lecture indispensable, un livre remarquable signé Bruno Tessarech : Les sentinelles. Mêlant des personnages de fiction à la réalité historique, il interroge, à travers la parole d’Hitler, d’Eichmann, de Karski le rôle de ces sentinelles, des chercheurs à la solde des nazis qui pratiquaient la veille scientifique et se livraient dans leurs laboratoires aux pires atrocités. Savaient-ils à quelle entreprise abominable ils concouraient, ou ignoraient-ils tout des objectifs d’Hitler ? C’est, à n’en pas douter, un des livres marquants de cet été.

Amélie Muller
Librairie Doucet, Le Mans

 

Un peu de lecture à joindre à vos bagages. Du vécu, du sportif, de l’émouvant, du bouleversant, du stressant. Réalité ou fiction, voici une sélection très éclectique. Laissez-vous guider comme dans une librairie. Prenez le temps de lire les résumés à défaut de feuilleter les ouvrages, et choisissez selon votre humeur ou votre intuition. Et si cela ne suffit pas, puisez dans les valises d’à côté.

Pour commencer, prenons la direction du Sud des États-Unis, où se déroule le roman de Hillary Jordan, Mississippi. Laura McAllan, institutrice, a plus qu’un âge raisonnable lorsqu’elle épouse Henry. De ce jour, elle débarque dans leur ferme sans eau ni électricité et où vit un beau-père au caractère particulièrement acariâtre. Elle comprend très vite qu’elle n’y sera pas heureuse.

Dans Huis clos en Toscane, de Diana Lama, il n’y a ni voitures ni portables : ce sont les conditions posées pour ces retrouvailles entre anciennes camarades de classe. Elles se réunissent dans une magnifique villa coupée du monde. Mais certaines amies disparaissent mystérieusement… Ce week-end qui promettait d’être convivial devient de plus en plus angoissant jusqu’à virer au cauchemar.

Restons dans le polar avec Le chuchoteur de Donato Carrisi. Impossible de l’éviter, impossible de le reposer lorsque l’on a commencé sa lecture. Cinq fillettes ont disparu. Goran et Mila sont chargés de l’enquête. Les pistes sont embrouillées, les agents spéciaux vont de rebondissements en rebondissements. Malgré le sujet sensible, ce thriller, tiré de faits réels, est captivant et sa fin imprévisible.

Quelques coups de pédales pour évacuer le stress des ouvrages précédents. Éric Fottorino, très connu comme journaliste, et désormais comme écrivain grâce à ses nombreux succès comme Korsakov ou Caresse de rouge, parmi quelques autres, dévoile dans Je pars demain sa passion pour le vélo. Il a pratiqué le cyclisme pendant toute sa jeunesse, mais l’a abandonné vers l’âge de 19 ans, écœuré par l’attitude de certains coureurs. Je pars demain est le récit de son aventure personnelle lorsqu’il participa au Grand Prix du Midi Libre en 2001.

À marche forcée de Slavomir Rawicz est passionnant. Sept forçats s’échappent d’un camp de concentration en Sibérie. Une cavale qui durera près d’un an. Ils vont traverser la Sibérie, le désert de Gobi, l’Himalaya. Ils connaîtront la faim, le froid, le danger en permanence et la mort. Une aventure humaine inimaginable, bouleversante. Un récit exceptionnel.

Martine Clesse

Librairie Ducher, Verdun

 

Vacances rime avec bonheur intense et détente. Les vacances d’été signifient bronzage et mer. Et quoi de plus agréable que d’être allongé sur un transat avec un bon livre. Je vous en propose cinq, cinq portraits de femmes qui savent ce qu’elles veulent et qui entendent bien l’obtenir.
Tout d’abord, un bon dépaysement dans le temps et l’espace. Avec son polar Du sang sur la soie, Anne Perry nous entraîne à Byzance à la fin du xviiie siècle. Anna part à la recherche de son frère, condamné à l’exil pour complicité de meurtre, et tente de prouver son innocence. La route sera évidemment longue et semée d’embûches, sinon ça ne serait pas drôle.
Les cris de Claire Castillon ausculte la mécanique qui conduit un couple à se séparer. Et comme le couple en question se compose d’au moins un écrivain, la rupture amoureuse se transforme aussi en matière d’écriture et en projet de livre.

Gilles Leroy se met dans la peau de Zola Jackson, cette institutrice qui tente de survivre après les ravages causés par le terrible ouragan Katrina dans la Nouvelle-Orléans, et notamment ses quartiers les plus pauvres. Le portrait d’une femme qui décide de ne pas fléchir, de toujours être maîtresse de son destin.

Dans Une femme simple et honnête de Robert Goolrick, un homme fortuné recherche une femme simple et honnête capable de le rendre heureux après un long veuvage. Pour cela, il passe une annonce à laquelle Catherine répond. Mais Catherine n’est pas cette femme simple et honnête que le personnage espérait. Au contraire, celle-ci commence par mimer l’épouse exemplaire pour mieux endormir son pigeon et accéder à sa fortune.

Proies, le polar angoissant de Mo Hayder, est sans doute un bon moyen de frissonner en cette période d’intense chaleur. Un homme au visage dissimulé derrière un masque de Père Noël vole des voitures… qui doivent absolument être équipées d’enfants assis sur la banquette arrière. C’est son truc, les enfants. La sombre affaire de pédophilie qui sert de trame à ce polar fait remonter en nous les angoisses les plus enfouies. 


Notons aussi la parution du nouveau polar de Mo Hayder, Les lames. La fille de Sally est victime de chantage de la part d’un dealer. Depuis que le corps sans vie d’une adolescente est retrouvé, Sally tremble pour sa fille et trouve un emploi chez un homme peu fréquentable, qui est à la tête d’un empire pornographique. Sally va devoir demander l’aide de sa sœur Zoe, inspectrice de police, avec qui ses relations sont pourtant tendues.

Comme c’est bon les vacances !

Aurélie Paschal
Librairie Prado Paradis, Marseille