Littérature française

Sylvie Yvert

Au moins le souvenir

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Si la poésie d'Alphonse de Lamartine traverse les siècles, son rôle pourtant majeur d'homme d'État semble avoir été effacé des tablettes de l'Histoire. Sylvie Yvert remédie à cet oubli le long de ce grand roman historique.

Sylvie Yvert poursuit, avec ce troisième roman, l'œuvre engagée avec Mousseline la sérieuse et Une année folle (éditions Héloïse d’Ormesson et Pocket). En effet, une fois encore, elle nous emmène au cœur des tumultes de l'Histoire de France : après la Révolution et les Cent Jours, ici la première partie du XIXe siècle avec ses violentes agitations politiques et ses nombreuses bascules de pouvoir. Une fois encore, elle dépoussière une figure méconnue ou oubliée de celle-ci : après Madame Royale, Charles de Bédoyère et Antoine de Lavalette, Alphonse de Lamartine. Lamartine oublié ? Méconnu ? Oui, car au-delà de son nom, de deux ou trois réminiscences de poésie scolaire, voire de célèbres moqueries d'écrivains (merci Flaubert, merci Rimbaud), que reste-t-il dans la mémoire collective de la vie de cet homme qui, s'extrayant de sa condition de gentilhomme et d'écrivain à succès, n'aura de cesse de se battre pour son pays, cherchant à imposer entre Royauté et République, la meilleure gouvernance possible pour le bien de tous ? Et pour nous raconter cette flamboyante traversée du siècle, Sylvie Yvert convoque un autre personnage oublié : Mary Ann Elisa Birch, la femme anglaise de Lamartine, peintre, sculptrice, parfois nègre de son mari (elle sera aussi le premier modèle pour le buste de Marianne), qui en 1862 décide de coucher sur le papier la vie de celui qu'elle aime et ainsi de redonner un peu de couleur au blason d'un homme terni par les nombreuses inimitiés et l'amour volatile d'un peuple prompt à brûler ce qu'il adorait. Richement illustré d'extraits des œuvres de ce brillant orateur, ce roman n'a de cesse de surprendre devant l'ampleur de cette vie et, comme un corollaire, devant l'ampleur de notre méconnaissance de celui à qui l'on doit pourtant la sauvegarde du drapeau tricolore ou la seconde abolition de l'esclavage.

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