Littérature étrangère
Alfred Hayes
Une jolie fille comme ça
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Alfred Hayes
Une jolie fille comme ça
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Agnès Desarthe
Gallimard
29/10/2015
166 pages, 17 €
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Chronique de
Jérôme Dejean
Librairie Les Traversées (Paris) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Emmanuelle George de Gwalarn (Lannion)
- Valérie Faucon de BPI - Bibliothèque publique d’Information (Paris)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Aurélia Magalhaes de Hélène Oudoux (Massy)
- Nathalie Iris de Mots en marge (La Garenne-Colombes)
- Marie-Laure Turoche
- Marion Pinvin de Sauramps Comédie (Montpellier)
- Valérie Landry de Passages (Lyon)
- Gabriel Pflieger de Vivement dimanche - La Benjamine (Lyon)
✒ Jérôme Dejean
(Librairie Les Traversées, Paris)
Alfred Hayes a été scénariste pour Fritz Lang, Vittorio De Sica et Roberto Rossellini. Pourtant, son roman Une jolie fille comme ça évoque plutôt le travail d’un autre réalisateur, comme un flamboyant mélodrame de Douglas Sirk.
En 150 pages, le méconnu – mais plus pour longtemps – Alfred Hayes, écrivain, poète et scénariste anglais installé aux États-Unis, réussit la perfection littéraire : un haïku du roman noir. À placer tout de suite, sur-le-champ, sans plus attendre, aux côtés de Sylvia d’Howard Fast (Rivages), et de Laura de Vera Caspary (Omnibus), sublimé par Otto Preminger dans le film éponyme. Dans le livre, cette « jolie fille comme ça » n’a pourtant pas de prénom, pas plus que son amant, un narrateur qui ressemble de façon troublante à l’auteur. Les deux principaux protagonistes du roman resteront anonymes, pour le meilleur et pour le pire. L’histoire est simple, universelle. S’extirpant d’une soirée mondaine où il s’ennuie, « il » vient en aide à une jeune fille dont les « jambes possédaient, serrées dans son short moulant et serties par la nuit, une blancheur remarquable ». Une starlette qui « manque de se noyer » dans l’océan… Pacifique seulement en apparence. Elle l’appelle pour le remercier. Ils se revoient, deviennent amants. Il est marié. Elle est plus jeune et pourtant semble avoir des milliers d’années. Et le malaise s’installe… Une escapade à Tijuana en apparence anodine, un monologue sublime et empreint de paranoïa qui fait écho et écho et écho jusqu’à la fin du livre… Beaucoup de références au cinéma. Mais en réalité, c’est au jazz, à la musique, qu’Une jolie fille comme ça emprunte le plus. Le rythme d’une trompette effleurée par les lèvres de Chet Baker, la voix suave de Sinatra, les arrangements de cordes d’un Nelson Riddle sur Clifford Brown… Publié en 1958, Une jolie fille comme ça n’a pas pris une ride. Grâce à la traduction lumineuse d’Agnès Desarthe, qui signe au passage une très belle préface. « C’est un beau roman, c’est une belle histoire ». C’est le livre à lire cette année.