Polar

Thomas H. Cook

Au lieu-dit Noir-Étang…

JD

✒ Jérôme Dejean

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Couronné d’un Edgar du meilleur roman en 1996, le nouvel opus de notre « cousin » du Sud Thomas H. Cook, Au lieu-dit Noir-Étang…, est une nouvelle preuve de son immense talent de conteur.

Cela ressemble à un tableau d’Edward Hopper : Nouvelle-Angleterre, août 1926, la petite ville de Chatham, son église, son petit port de pêche, son phare, son école de garçons qui comptera un nouveau professeur, la jeune et belle Élizabeth Channing, venue enseigner les arts plastiques. De nombreuses décennies plus tard, Henry Griswald, fils du fondateur et directeur de Chatham School, se souvient des événements qui ont transformé définitivement la quiétude et l’harmonie des lieux et des êtres.

Comment la naissance d’un amour tragique entre la jeune femme et M. Reed, professeur de lettres et père de famille, va tout balayer, provoquant le doute, la suspicion et la mort. Car ce roman noir est une œuvre romantique, au sens tragique du terme. Henry voit en ce couple maudit « des versions modernes de Catherine et Heathcliff ». Il a raison. Les passions sont multiples, contradictoires, elles se répondent, se télescopent. Henry égrène ses souvenirs, les tableaux défilent devant nos yeux. La couleur sépia d’une vieille carte postale s’assombrit peu à peu et se pare d’ombres, le noir commence à remplir les cœurs et les regards. L’étang n’a jamais aussi bien porté son nom. Une vieille chanson du folklore anglophone, immortalisée par Nina Simone dans les années 1960, commence ainsi « Black is the colour of my true love’s hair » (« Noire est la couleur de cheveux de mon véritable amour »). Noire est la couleur car tous seront victimes. Thomas H. Cook sait comment nous accrocher, sa prose limpide nous entraîne à travers le temps ; les différentes pièces du puzzle se mettent en place, petit à petit. Le dénouement semble sans cesse nous échapper, nous fuir… Tel le ressac sur les rives de l’étang. Un doute plane sur le lecteur, que s’est-il réellement passé au lieu-dit Noir-Étang ? Et une phrase vient sans cesse nous perturber « la vie ne vaut d’être vécue qu’au bord de la folie. » Alfred Hitchcock déclarait : « les femmes sont comme le suspense. Plus elles éveillent l’imagination, plus elles suscitent d’émotions. » Cook l’a bien compris, pour notre plus grand bonheur de lecteurs.

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