Littérature française

Mohammed Aissaoui

Les Funambules

illustration

Chronique de Isabelle Aurousseau-Couriol

Librairie de Paris (Saint-Étienne)

Après nous avoir enchantés avec L’Affaire de l’esclave Furcy et L’Étoile jaune et le croissant (Gallimard et Folio), deux essais historiques, Mohammed Aïssaoui nous emmène, avec Les Funambules, dans un monde bien différent.

Le narrateur est écrivain, biographe pour les anonymes, ceux qui veulent laisser une trace à leur famille, mais aussi ceux qui ont besoin de sa plume pour narrer leur réussite. À la demande de Jean-Patrick Spak, un neuropsychiatre, il est engagé pour travailler auprès d'hommes et de femmes qui fréquentent les associations d’aide car les mots sont importants et donnent du sens à leur existence. Des Restos du Cœur à ATD Quart monde en passant par les Petits Frères des Pauvres, il nous raconte ces « funambules » tombés de leur fil à la suite d’une maladie, d’une rupture, d’un licenciement… Ces rencontres le renvoient à sa propre histoire. La pauvreté, le narrateur l’a connue. Il vient d’Algérie, son père l’a abandonné ainsi que sa mère. À 9 ans, il est arrivé en France, a vécu dans un immeuble de la cité Anne Frank mais sa mère a résisté et poussé son fils à faire des études : « Savoir lire et écrire, c’est être libre, habibi. » À ses yeux, il est devenu quelqu’un, il vit à Paris, loin de la banlieue de son enfance. En abordant les aidés de ces associations, il s’intéresse aussi aux aidants, ces bénévoles qui racontent pourquoi et comment ils ont décidé de se dévouer aux autres. Notre écrivain se souvient alors de Nadia, l’amour de ses 18 ans, qui elle aussi voulait se consacrer aux autres. Qu’est-elle devenue ? Que fait-elle ? Parti à sa recherche, le narrateur croisera Bizness, son ami d’enfance, Leila, Moussa qui vit à la Gare de l’Est, mais aussi Monique, « une belle personne » qui participe aux Restos du Cœur. Armés d’une plume au style minimaliste et sans pathos, le narrateur et Mohammed Aïssaoui nous amènent à découvrir ces « funambules » que nous sommes tous. Un livre incontournable, un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire.

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