Littérature étrangère
Monika Held
Sur place, toute peur se dissipe
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Monika Held
Sur place, toute peur se dissipe
Traduit de l’allemand par Bernard Lortholary
Flammarion
03/09/2014
336 pages, 21 €
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Chronique de
Isabelle Aurousseau-Couriol
Librairie de Paris (Saint-Étienne) -
❤ Lu et conseillé par
1 libraire(s)
- Caroline Herbeck de Maison du livre (Rodez)
✒ Isabelle Aurousseau-Couriol
(Librairie de Paris, Saint-Étienne)
Monika Held aurait pu choisir le témoignage, elle a préféré le roman pour nous raconter la vie d’un homme extraordinaire au passé compliqué et de la femme qui a accepté de vivre à ses côtés.
Ce roman s’inspire de la vie d’un couple ami de Monika Held. Heiner, communiste viennois au passé d’activiste, sera déporté en 1942 à Auschwitz. Il en revient brisé. Léna, l’Allemande, est traductrice du polonais, et est née dans la région de Gdansk, alors germanique. Ils se rencontrent tous deux à Francfort en 1962 lors du procès des exécutants nazis d’Auschwitz. Mais c’est un couple à trois dont nous parle Monika Held, et le troisième membre de ce trio, c’est le passé de Heiner, ce passé de déporté qui a survécu. De son convoi, qui comptait 1 900 personnes, seules quatre sont revenues de l’enfer. Depuis qu’Heiner est sorti d’Auschwitz, il tente de réapprendre à vivre, mais l’horreur qu’il vient de traverser le poursuit sans relâche, hante ses nuits et l’empêche de recouvrer une existence normale. Il se sépare de sa première femme et est déclaré en incapacité de travailler. Léna s’attachera à comprendre et à panser les plaies de Heiner. En 1980, tous deux retournent en Pologne, alors que la loi martiale vient d’être promulguée par Jaruzelski. Heiner est déterminé à soutenir ses anciens compagnons, membres de Solidarnosc pour certains, en leur apportant vêtements, nourriture et argent. Léna découvre un homme différent. En compagnie de ses amis, il semble se remplir d’un sang nouveau. En ces instants polonais, le titre du roman prend tout son sens. Sur place, toute peur se dissipe et Heiner retourne à Auschwitz. Il comprend en revoyant le bloc où il dactylographiait toute la journée des avis de décès, qu’il n’est plus le déporté, il n’est plus le faible. Il est vivant. Et le fait d’être un survivant lui donne obligation de témoigner pour tous ceux qui sont morts. Monika Held signe un très beau roman, fort et souvent douloureux.