Littérature française

Gaëlle Nohant

Robert, Youki et les autres

L'entretien par Isabelle Aurousseau-Couriol

Librairie de Paris (Saint-Étienne)

Gaëlle Nohant, prix France Bleu/Page des Libraires pour son ouvrage La Part des flammes (Héloïse d’Ormesson puis Le Livre de Poche) revient pour son troisième roman avec un personnage extraordinaire : le poète Robert Desnos.

Deuxième sélection du Prix du Style 2017

 

PAGE — Pourquoi avoir choisi Robert Desnos ?
Gaëlle Nohant — Parce que c’est mon poète préféré. Dans mon adolescence, un professeur de français qui était un vrai fan nous avait fait étudier des poèmes qu’en général on ne travaille pas. J’ai découvert ce poète et il ne m’a jamais quittée. Chaque fois que j’ai douté, en particulier dans mon écriture, je suis allée chercher sa poésie, une poésie qui me fortifie, me console, me rassure. Il y a maintenant deux ans, un soir, j’ai pris conscience que j’allais chercher sa poésie tout le temps. C’était ma poésie de chevet et il était temps que je lui rende quelque chose de ce qu’il m’avait apporté. Il se trouve que c’était l’anniversaire de sa mort (8 juin 1945), anniversaire qui était passé à peu près inaperçu. Finalement, je me suis dit qu’il n’avait pas la renommée qu’il méritait. Que pouvais-je faire pour lui ? Eh bien, écrire un roman dont il serait le héros ! C’était la forme la plus propice pour qu’un lectorat le plus large possible ne le connaissant pas aille vers lui et découvre ce personnage extraordinairement romanesque.

Gaëlle Nohant, Légende d'un dormeur éveillé (Héloïse d'Ormesson) from PAGE des libraires on Vimeo.

P. — Le roman commence quand Desnos revient de Cuba. Il a dans ses bagages, au propre comme au figuré, un grand auteur cubain, Alejo Carpentier. Mais qui est-il, en fait, Robert Desnos ?
G. N. — C’est un enfant des Halles. Il naît dans une famille de commerçants. Rien ne le prédestinait à devenir poète. C’est vraiment mystérieux de voir comment cette vocation va très tôt s’enraciner dans sa vie au point d’être plus ou moins viré du domicile paternel. Sa route va très vite croiser celle des surréalistes. Il va devenir surréaliste. C’est sa première constellation. Il va y trouver des gens qui lui ressemblent parce qu’il a grandi comme un extraterrestre. Assez vite, il va se détacher de ceux-ci pour de vraies bonnes raisons et suivre sa voie. Elle va l’amener à embrasser tous les tourments du XXe siècle jusqu’aux camps de concentration.

P. — Desnos et les femmes, vaste sujet : sa mère, les femmes qu’il a aimées. Ce n’est pas un homme très beau mais il a un charisme, un magnétisme fou ! Et puis, il y a Youki !
G. N. — Sa première femme, c’est sa maman. Ce n’était pas un amour maternel idéal. Je pense qu’elle a eu beaucoup de mal avec ce petit garçon si différent de tout ce qu’elle connaissait. Il passait plus de temps à rêver qu’à vivre. Il a grandi avec ce premier désamour. Cela a fait de lui un amoureux très particulier, un grand amoureux, très chevaleresque, pour lequel l’amour et la souffrance sont indissociables. Il a tendance à s’amouracher de femmes fatales qui ne s’encombrent pas de fidélité. Son premier grand amour, qui ne sera jamais payé de retour, est chanteuse et s’appelait Yvonne George. Tout au début de mon roman, Desnos rencontre son vrai grand amour, Youki, la femme du peintre Foujita. C’était une des plus belles femmes de l’époque, très courtisée, très libre, une vraie Muse. Bien que séduite, il est hors de question qu’elle s’attache exclusivement à cet homme. Et pourtant, il va l’aimer jusqu’à la fin de ses jours. Choisie, elle découvrira qu’elle l’aime aussi profondément et qu’avec sa mort, il est devenu un fantôme irremplaçable.

P. — Desnos, c’est les années 1930. C’est une période où la France est bouleversée, par la crise de 1929, par la montée des extrémismes et pourtant, la création artistique explose. Les artistes se croisent dans les domaines les plus divers : la poésie, le cinéma, le théâtre… Pouvez-vous en parler ?
G. N. — En fait, c’est le problème que posait ce roman. Desnos est très doué pour l’amitié. Ses amis sont presque tous célèbres. Parlez de lui était impossible sans parler de ses amis. Mais c’était se retrouver avec trente personnages secondaires ! C’était une effervescence artistique incroyable. Si je prends la première constellation, celle des surréalistes, ils se sont affrontés, déchirés, rabibochés, redisputés. On va les retrouver pour beaucoup dans les rangs de la Résistance. C’est une famille choisie. Il y a des relations d’amitiés passionnelles et, en même temps, tout cela est pris dans le tourbillon de la création artistique de l’époque. Desnos avait pour amis García Lorca, Neruda, Picasso, Jean-Louis Barrault… La liste est immense ! Tous ces artistes vont l’influencer dans sa création, il va les influencer. Dans mon roman, ce qui m’intéressait, c’était de montrer une soirée au café, de les entendre parler à la fois de la vie, de l’amour, de la création. Ils ont embrassé cette époque contradictoire, pulsionnelle jusque dans ses choix cornéliens, ses dilemmes par rapport au communisme, à l’Occupation.

P. — Enfin, Desnos et la poésie. Votre livre est émaillé de très nombreuses citations. Pouvez-vous nous parler de l’évolution de celle-ci ?
G. N. — Les poèmes pour enfants, les plus connus, sont issus de ses recueils Chantefables et Chantefleurs, mais ce sont aussi ceux de la fin du parcours. Desnos a commencé par une poésie elliptique, élitiste, la poésie surréaliste basée sur l’écriture automatique, les sommeils hypnotiques, dans laquelle il s’est vraiment illustré. Petit à petit, il va aller vers le lyrisme de la poésie amoureuse, la poésie de la souffrance amoureuse, de l’attente, du fantasme. Un peu plus tard, dans les années 1930, quand la politique rentre dans sa vie, sa poésie devient de plus en plus limpide, elle va s’ouvrir au monde. Elle va devenir une poésie de combat, un combat pour certaines valeurs et non pas contre. Cela va se poursuivre jusque dans sa poésie de résistance. On peut dire que Desnos était un poète de la nuit mais un poète qui veille en attendant l’aube, celle de la Libération.

 

Partez à la rencontre de l’auteure dans la librairie près de chez vous :

Vendredi 15 au dimanche 17 septembre, Livres dans la boucle à Besançon – L’Intranquille
Mardi 19 septembre, Librairie La 25ème Heure à Paris 15e

Samedi 23 septembre, Librairie Décitre à Écully

Mercredi 4 octobre, Librairie Martelle à Amiens (18h)

Vendredi 6 au dimanche 8 octobre : Salon du livre de Saint Etienne
Mardi 17 octobre, Librairie Terre des livres à Lyon (19h)
Mercredi 18 octobre, Librairie Fontaine Haussman à l’hôtel Swan
Mardi 24 octobre, Médiathèque de Métropole à Montpellier - Librairie Sauramps

Vendredi 3 novembre, Librairie CoLibris à Meyzieu (18h)

Mercredi 8 novembre, Librairie Doucet au Mans (18h)
Samedi 11 & dimanche 12 novembre : Salon du livre de Brive
Jeudi 16 novembre, Librairie Kléber à Strasbourg
Samedi 18 novembre, Librairie Coiffard à Nantes (dans le cadre du prix du roman Coiffard) 16h30
Samedi 25 novembre, Librairie Passerelles à Vienne
Dimanche 26 novembre, Salon du livre de Chazay d’Azergues
Jeudi 30 novembre, Librairie Cheminant à Vannes

Vendredi 1 décembre, Librairie Ravy à Quimper
Samedi 2 décembre, Librairie Dialogues à Brest & Espace culturel Landerneau
Jeudi 7 décembre, Librairie Mots en marge à La Garenne Colombe
Samedi 9 décembre, Librairie Les Marque-pages Paris 16e