Jeunesse

Kwame Alexander

Frères

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Chronique de Madeline Roth

Librairie L'Eau vive (Avignon)

Best-seller aux États-Unis, Frères a occupé durant vingt-quatre semaines la liste du New York Times. À mi-chemin entre le slam et le vers libre, il ausculte avec force la rivalité entre deux frères stars de basket-ball.

« Ne laissez jamais personne/baisser le panier pour vous./Les attentes des autres/dépendent de leurs propres limites./Le ciel voilà votre limite, mes garçons./Visez toujours/le soleil/et c’est vous qui brillerez ». Josh et Jordan sont jumeaux. « Deux paniers face à face. Identiques. » L’un porte des dreads, l’autre possède douze paires de Jordan Air. « Si on ne s’aimait pas,/On se haïrait. » L’un est meilleur sauteur, l’autre meilleur attaquant. Depuis des années, c’est leur père, un très grand joueur de basket aujourd’hui retraité, qui les entraîne. Tous les soirs, il leur fait tirer des lancers francs jusqu’à ce qu’ils en marquent dix d’affilée. Mais le lecteur se doute bien que ces deux jumeaux, soudés comme personne, risquent le pire dans cette rivalité. Et le pire arrive. D’abord sur la pointe des pieds, lorsqu’ils découvrent pourquoi leur père a dû mettre fin à sa carrière. Ensuite, c’est une fille sublime aux Reebok roses qui fait des paniers sur le terrain d’à côté – et cette fille choisit forcément l’un des deux frères. Et pas l’autre. Et puis le vrai drame – l’ultime, il vous cloue au sol, puis vous laisse ahuri, épouvanté. Kwame Alexander a construit son roman en un seul souffle : difficile de ne pas lire le texte d’une traite, tant la scansion des vers et la tension qui s’y joue offrent au lecteur la sensation d’assister à une finale de sport, capitale. Échauffement, premier quart-temps, deuxième, jusqu’aux prolongations. « La vie est un match. » Josh et Jordan le savent bien. Véritable ovni littéraire dans sa forme (des vers libres, un jeu sur la typographie, une musicalité rare), Frères est avant tout un texte magnifique sur l’importance de la famille et la difficulté à grandir en se construisant, contre vents et marrées, une identité propre.

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