Bande dessinée

Fabrizio Dori

Le Fils de Pan

illustration

Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Nous avions découvert Eustis dans Le Dieu vagabond, satyre déchu devenu clochard céleste parmi les hommes, qui tentait, accompagné de son ami professeur, de retrouver son cher Olympe perdu. Mais il semblerait qu’Eustis, investi d’une nouvelle mission, n’ait pas encore fini son errance forcée sur la Terre.

Puni pour avoir vu la nudité des nymphes et exilé sur Terre comme un pauvre hère en compagnie d’hommes qu’il jugeait mornes et insipides, se plaignant sans détours de cette « triste époque sans Dieu », Eustis avait néanmoins trouvé un but à ses errances en partant à la recherche du Dieu Pan afin d’organiser ses retrouvailles avec la déesse Séléné. Il espérait ainsi pouvoir retourner auprès des dieux anciens, êtres fantaisistes et magiques, et ressentir à nouveau la joie éternelle de ne se préoccuper que de la douceur du vin. Eustis attend seul à présent, dans une forêt sacrée, les êtres qui formaient avec lui la procession du Thiasos, célébrant Dionysos. Mais plus personne ne peuple ces forêts, hormis quelques dryades pourchassées par un moine inquisiteur et un mystérieux enfant, blondinet petitement cornu et parfaitement lunaire, venant à sa rencontre, porteur silencieux d’une lettre à son attention. Il semblerait que la mère de l’enfant, Séléné, ait choisi Eustis, un peu sans scrupules et beaucoup sans lui demander son avis, pour guider les premiers pas de son enfant sur terre et l’aider à découvrir son nom et son pouvoir. Voilà Eustis responsabilisé, devenu mentor et baby-sitter d’un petit Dieu, sorte de Little Nemo inversé, perdu au sein de la réalité terrestre comme dans un songe labyrinthique. L’épopée continue, à la rencontre de nouveaux personnages qui guideront Eustis et son jeune compagnon dans leur voyage : des cavalcades rocambolesques du Roi du Rien dans les rouages cachés de la grande ville, au taxi d’Hermès les sauvant de la chasse terrifiante d’un Minotaure biker, jusqu’à l’antre de Trophonius, en passant par les éternuements grotesques de l’enfant d’où jaillissent une multitude de papillons blancs, réenchanteurs dans la ville angoissée. Car oui, les mortels sont tristes d’être trop terre à terre, à l’image de Zoé, la fille du vieux professeur disparu, venue enquêter dans son appartement suite à sa disparition. Directrice d’une grande usine entièrement automatisée, Zoé est une furie de rationalité, ennemie du doute et du hasard. Rien d’étonnant alors à ce qu’elle panique et voit son monde complètement vaciller quand débarquent chez elle, en pleine nuit, un être aux grandes oreilles, un chat doué de la parole et un enfant cornu. À la manière du personnage d’Eustis, porteur de poésie et de lumière, Le Fils de Pan est, par sa fantaisie, son graphisme protéiforme et son caractère onirique, un régal pour les yeux et une œuvre euphorisante pour notre imaginaire.

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