Beaux livres

Iconiques

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✒ Alexandra Villon

(Librairie La Madeleine Lyon)

Cet automne, deux ouvrages signés Patti Smith sont parus simultanément chez Gallimard. Un livre de photos à la manière d’un almanach et l’édition augmentée d’Une saison en enfer de Rimbaud, dont elle s’est vue confier la conception, à l’occasion de l’anniversaire des 150 ans de la parution du texte.

On se souvient du portrait du jeune Rimbaud réalisé vers 1872 par le photographe Étienne Carjat – image la plus connue du poète – devenue une véritable icône incarnant la poésie et la jeunesse rebelles. De la même manière, nous gardons en mémoire cette photo de Patti Smith et Robert Mapplethorpe en promenade à Cosney Island en 1969, qui orne la couverture de son livre culte Just kids. La fascination relève de l’enchantement ; la photo sacralise et devient iconique. Armée de son polaroid, Patti Smith a toujours vagabondé, son appareil en bandoulière, distillant ses photos dans ses ouvrages, de Just kids à L’Année du singe. La photographie est devenue pour elle – art poétique apaisé et silencieux – un autre moyen d’expression incontournable, en parallèle à sa musique beaucoup plus rugissante. Avec Un livre de jours qui regroupe 366 photos pour chaque jour d’une année bissextile, légendées par une très courte phrase, une citation, un poème ou une pensée, Patti Smith propose un petit livre d’images et de mots qui se découvre comme on lirait un roman, sorte d’almanach mêlant poésie, fragments de vie intime, souvenirs incarnés dans des objets ou des paysages, dans des visages d’amis, de mentors ou d’éternels amours. On y croise d’ailleurs Rimbaud dont elle découvrit les textes à l’âge de 16 ans et qui l’accompagnèrent toute sa vie, exerçant sur elle une fascination sans limite et sur son art une influence sans égale. Patti Smith et Rimbaud, c’est l’histoire d’une vénération qui s’est très vite métamorphosée en inspiration. Elle était donc l’artiste idéale à qui confier le cinquième titre de la collection « Grande blanche illustrée », mettant à l’honneur le dernier recueil du poète météore, Une saison en Enfer, qu’elle borde de ses propres textes, photos et dessins. D’aucuns diront qu’un académicien tiré à quatre épingles et rompu au douloureux exercice du commentaire composé, connaisseur éclairé de la belle langue française à laquelle Rimbaud aima donner des couleurs, aurait été un choix plus sérieux qu’une chanteuse punk rock à l’âme romantique. Mais il est moins affaire ici de connaissances que d’inspiration et de correspondances. Par ce qu’elle représente et par sa manière d’exister à travers son art ‒ cette forme de vie poétique où s’accordent la candeur d’une enfant émerveillée à l’expérience d’une femme pétrie de combats et de souvenirs ‒, Patti Smith rend un hommage intime et sensible à Rimbaud comme icône de la vie transcendée par la poésie.