Littérature étrangère
Ash Davidson
Les Derniers Géants
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Ash Davidson
Les Derniers Géants
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Fabienne Duvigneau
Actes Sud
04/01/2023
416 pages, 24,50 €
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Chronique de
Alexandra Villon
Librairie La Madeleine (Lyon) - ❤ Lu et conseillé par 18 libraire(s)
✒ Alexandra Villon
(Librairie La Madeleine, Lyon)
Le premier roman d’Ash Davidson, intensément romanesque, nous plonge dans la vie rude de familles de bûcherons en Caroline du Nord à la fin des années 1970 et confronte les aspirations de ces rednecks, qui rêvent d’un destin plus grand qu’eux, à des problématiques écologiques mettant en péril leur survie.
Rich, la cinquantaine, sorte de géant taiseux au grand cœur, est un de ces bûcherons qui font vivre leur famille, au sein de la nature, grâce à l’abattage des séquoias géants depuis des générations. Il vit au sein des grands espaces forestiers avec sa compagne Colleen et leur petit garçon Chub, môme débrouillard et curieux de tout. Colleen veut plus que tout un autre enfant, malgré des fausses couches à répétition. Rich, qui veut lui éviter un nouveau chagrin, s’éloigne. Il a, clandestinement, d’autres projets. À la différence des autres hommes qui se laissent porter par leur vie de misère, entre le travail et l’alcool, Rich est un homme taillé pour avoir un destin et qui va s’en donner les moyens. Il décide ainsi d’acheter une énorme parcelle de séquoias géants et s’endette sur plusieurs années, sans mettre Colleen dans la confidence. Un pari risqué qui aurait pu porter ses fruits si la vie n’en avait pas décidé autrement, tant celle de ces familles est âpre, dangereuse, sujette aux caprices de la nature et à la violence des hommes. Une rumeur mettant en cause les pesticides déversés sur la forêt par la société d’abattage commence à prendre de l’ampleur et à sacrément échauffer les esprits. Hippies et Indiens Yukas, qui vivent là depuis des générations, crient à l’empoisonnement des sols, des rivières et manifestent contre ces pesticides qui seraient responsables, selon eux, de menacer l’écosystème et d’être nocifs pour les habitants. Pour les familles, remettre en cause l’utilisation de ces produits, c’est mettre en péril le désherbage, leur travail et ce qui leur permet de vivre, même chichement. Tandis que Rich, inquiet de sa dette, prend le parti de sa communauté, Colleen se pose des questions, alors qu’elle en est à sa huitième fausse couche et qu’elle a maintes fois aidé à accoucher des femmes qui donnaient naissance à des enfants anencéphales, nés sans cerveau ou avec de graves malformations. Que choisir, alors, entre les urgences du présent et la préservation d’un futur incertain ? À travers une intrigue passionnante, faisant se confronter inquiétudes économiques et questionnements écologiques, Ash Davidson met en scène le tiraillement d’hommes et de femmes qui se battent pour leur survie, pour leur héritage, malgré des constats alarmants concernant des pesticides qui contaminent la terre et menacent les êtres vivants. C’est un très beau roman dont les problématiques écologiques et humaines, vieilles de plus de cinquante ans, questionnent avec justesse celles de notre décennie.