Polar

Don Winslow

La Cité en flammes

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Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Premier tome d’une trilogie qui prend pour décor l’État de Rhode Island en 1986, La Cité en flammes s’annonce explosif, violent et parsemé de morts. En chef d’orchestre inspiré de cette épopée tragique et moderne, Don Winslow transpose la guerre de Troie à Providence où vont s’affronter deux clans ennemis.

Providence, 1986. Ses petits commerces, ses jolies filles, ses docks malfamés, ses flics corrompus et ses vilains mafieux. Voilà le décor du nouveau roman du maître du page-turner qui nous plonge dans les bas-fonds d’une ville aux mains de plusieurs clans mafieux dont l’entente – précaire mais pérenne jusqu’alors – a été scellée par un pacte de paix. Italiens – les Moretti – et Irlandais – les Murphy – se partagent les parts d’un gâteau modeste mais qui fait vivre raisonnablement tout son petit monde, à coups de racket et de petits braquages. Mais ça, c’était avant ! Du temps des anciens qui respectaient les règles et le code d’honneur de la mafia. Ce vieux monde se meurt et fait place à une jeunesse fière et chaotique prête à vendre père et mère pour de l’argent sale. Il suffirait d’une étincelle pour que la ville de Providence s’embrase et que les deux clans se livrent une guerre sans merci. Cette étincelle, elle s’appelle Pam et le jour où cette jeune femme un peu trop belle sort de l’eau telle une naïade, Danny Ryan se dit, fort à propos, que c’est le début des emmerdes ! Danny est le fils d’un ancien chef mafieux. Il s’est marié avec la fille de John Murphy, le chef du clan Irlandais, mais n’a jamais su trouver sa place et ne siège pas encore à la table des affranchis. Danny n’est pas un tueur. C’est un bon gars qui aurait voulu être pêcheur, qui aime sa femme, qui voudrait un enfant et donc un monde un peu meilleur. Un petit personnage bien trop humain au destin discret que les Dieux de Rhode Island vont s’amuser à tourmenter. Comme toujours dans les romans de Don Winslow, passées les présentations d’usage, tout se précipite en une dégringolade sans fin, sombre et haletante, où la violence fait loi. On suffoque et on tremble aux côtés de Danny et des autres, pions malmenés d’un jeu où les dés sont pipés. Place aux coups bas, à la vengeance et à la corruption. Bienvenue dans l’univers de Don Winslow qui, après son excellente trilogie sur les narcotrafiquants du Mexique (La Griffe du chien, Cartel et La Frontière) et son magistral Corruption, revient avec cette grande saga mafieuse, à mi-chemin entre Les Sopranos et Peaky Blinders, tragédie moderne aux accents homériques, au sein de laquelle Danny Ryan campe un anti-héros attachant, portant à lui seul le fardeau d’une humanité dévastée. Du très bon Don Winslow, épique et brillamment mené ! Alors lectrice, lecteur, « prends ton repas, maintenant, nous nous préparons au combat » (Homère, Iliade, Livre II).

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