Littérature étrangère
Kenzaburô Oé
Œuvres
Partager la chronique
-
Kenzaburô Oé
Œuvres
Traduction collective du japonais
Gallimard
22/09/2016
1344 pages, 31 €
-
Chronique de
Michel Edo
Librairie Lucioles (Vienne) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Marie-Aube Ruault de La Carline (Forcalquier)
- Michel Edo de Lucioles (Vienne)
- Linda Pommereul de Doucet (Le Mans)
- Brice Vauthier de L'Étagère (Saint-Malo (Paramé))
- Eve Bohu de Chimère (Chatillon)
✒ Michel Edo
(Librairie Lucioles, Vienne)
Ôé incarne, peut-être plus que tout autre écrivain japonais, le changement d’ère de son pays. Né au plus fort de l’expansionnisme colonial, il est éduqué dans la terreur de l’empereur jusqu’à la défaite de 1945, où il découvrira avec bonheur la culture occidentale.
L’œuvre de Ôé est ainsi marquée par cette ambivalence. Si ses premières années sont marquées du sceau du traditionalisme, la découverte d’œuvres étrangères, dont, au premier chef, Camus, Sartre et les humanistes français du XVIe siècle, élargit son univers intellectuel et lui fait entrevoir la possibilité d’une pensée plus ouverte. Le premier texte à obtenir un retentissement national, « Gibier d’élevage », est une nouvelle qui met en scène un soldat américain prisonnier dans un village de montagne pendant la Seconde Guerre mondiale. On y trouve les ressorts principaux d’une partie de l’œuvre de l’auteur : la fascination et la peur de ce qui est étranger, et la violence des sentiments de l’adolescence. Violence et troubles latents que l’on retrouvera dans une autre de ses œuvres de jeunesse les plus marquantes, Le Faste des morts, où deux étudiants acceptent de transvaser les cadavres destinés à la dissection. Leurs émotions, mélange de désir sexuel, de désespoir et de dégoût, s’entremêlent au fil des jours, jusqu’à un dénouement fatalement ironique. L’œuvre et la vie de Ôé sont bouleversées en 1963 par deux événements majeurs. D’abord la naissance de son fils Hikari, lourdement handicapé, et sa rencontre avec un médecin qui s’occupe des victimes du bombardement de Hiroshima. Il prend alors conscience de la possibilité d’une fragilité et d’un amour qui dépasse en tout ce qu’il a pu vivre jusqu’alors. C’est la publication d’Une affaire personnelle qui entame un cycle autofictionnel consacré à sa relation avec son fils. Notes d’Hiroshima, publié en volume en 1965, est le point de départ de son engagement intellectuel pacifiste, écologiste et violemment anti-nucléaire.