Littérature étrangère

To bee or not to bee

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photo libraire

Par Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

De Sue Hubbell, décédée en 2018, nous ne connaissions en France que le merveilleux texte intitulé Une année à la campagne. Ce récit bien que relativement confidentiel est un bonheur total de lecture. Elle est aussi l’auteure d’au moins une centaine d’articles, essais et préfaces consacrés à la nature et à la biologie, tous inédits en France.

Sue Hubbell a une formation de bibliothécaire et de biologiste. Ainsi formée et avec son amour des livres et de tout ce qui court, rampe et vole sur cette planète, elle ne pouvait pas se cantonner aux rayonnages de l’université de Trenton où elle commença sa carrière professionnelle. Au détour des années 1960, elle quitte la ville avec son mari pour les monts Ozarks, un massif du Missouri très ensauvagé, très rural et très enclavé. Un rêve de nature pour cette femme qui va s’installer en tant qu’apicultrice. Las, son mari ne supporte pas la chose et s’en retourne au bitume des grandes villes tandis qu’elle reste dans cet amour de pays au milieu des hillbillies et des recalés de la modernité qui vivent ici. Une année à la campagne est le récit de cinq saisons à s’émerveiller de chaque instant de la vie. Les abeilles qui ne cessent de questionner ses connaissances et la surprennent par l’intelligence sociale qu’elles développent sont évidemment le sujet dominant de ce récit. Tandis qu’oiseaux, insectes, mammifères et amphibiens sont autant de voisins avec lesquels il faut composer. Tout aussi important dans ce texte tendre et poétique est le rapport qu’elle entretient avec ses voisins à deux jambes. Tous ne sont pas des Thoreau venus ici poursuivre une quête existentielle. Ce sont des garagistes, chasseurs, anciens combattants qui savent toucher cette femme qui sait voir le beau, même bien caché. Dans ce récit, elle rend grâce chaque jour au pur bonheur d’être au monde dans une nature si peu abîmée par les hommes. Au milieu des années 1980, elle quitte sa ferme des Ozarks pour s’installer dans le Maine, au nord-est des États-Unis. Paysages de montagnes basses et de côtes rocheuses, c’est un paradis pour biologiste. Sue Hubbell va en explorer les recoins, les plages et les fonds marins. Sa quête est celle de la beauté du monde animal et c’est en compagnie d’amis éminents biologistes qu’elle dévoile des pans entiers de tout ce qui grouille, vibrionne et nage autour de nous sans que nous en fassions grand cas. Sue Hubbell se révèle ici aussi poète que scientifique. Elle ne tarit pas d’anecdotes sur telle où telle branche de myriapodes, sur l’écosystème des oursins ou l’histoire de l’introduction des abeilles aux États-Unis. Si ce livre fait la part belle à la foultitude de non vertébrés qui nous entoure, c’est, j’en suis convaincu, pour nous remettre à notre place de derniers arrivés, peu adaptés, peu spécialisés face à l’immensité de la variété du monde animal.