Littérature étrangère
Reinhard Kaiser-Mühlecker
Braconnages
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Reinhard Kaiser-Mühlecker
Braconnages
Traduit de l'allemand (Autriche) par Olivier Le Lay
Gallimard
04/04/2024
360 pages, 23,90 €
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Chronique de
Michel Edo
Librairie Lucioles (Vienne) -
❤ Lu et conseillé par
3 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Jean-David Henninger de La Marge (Haguenau)
- Caroline Gelly de Le Chat borgne (Belfort)
✒ Michel Edo
(Librairie Lucioles, Vienne)
Une exploitation agricole quelque part en Autriche. Un lieu du passé, mélancolique et comme tiré d'un imaginaire de carte postale, barré par la modernité d'une ligne d'autoroute dont le bruissement incessant remplit l'espace sonore du roman.
Si l'on se décale, on peut s'imaginer dans une voiture lancée à pleine vitesse sur le bitume regardant cette vieille bâtisse ancrée au milieu des prés et des bois comme un ultime archaïsme résistant à la modernité. On peut imaginer les vies simples qui s'y déroulent, rythmées par les travaux des champs. La photographie d'un monde paysan à l'écart des vicissitudes du monde. Jakob est le fils de la famille, il gère seul l'exploitation. Il n'a pas adressé la parole à sa grand-mère depuis des années, méprise sa mère pour son effacement, son père pour ses excès ; le monde entier pour ne pas voir la souffrance qui l'habite. Dès le premier chapitre, le ton est donné. Dans le silence de sa chambre, il regarde l'aube se lever et, comme il le fait depuis de nombreuses années, se saisit d'un révolver placé dans le tiroir de sa table de nuit, le pointe sur sa tempe et appuie sur la détente. Il y a une pesanteur dramatique chez cet homme pour qui chaque action est lestée par l'horreur d'un passé familial dont on ne saura le nom que loin dans le roman. Sa rencontre avec une femme qui ne connaît pas son histoire lui donne la chance de tenter d'oublier tout ce qu'il porte de faute ancestrale. Mais ne se débarrasse pas comme cela qui veut de ce qui pèse tant sur la conscience .Ainsi, alors qu'il pense pouvoir bâtir quelque chose libéré du passé avec cette femme, celui-ci ressurgit comme une source noire à travers la pierre et menace bientôt de l'engloutir. Dans ce texte où le mal n'est quasiment pas nommé, Reinhard Kaiser-Mühlecker continue d'ausculter la mémoire collective de l'Autriche, son passé nazi, la culpabilité et la honte qui s'y rattachent. Un mal qui, au delà des générations, continue d'étendre ses ramifications dans l'inconscient collectif du pays.