Littérature étrangère
Colson Whitehead
La Règle du crime
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Colson Whitehead
La Règle du crime
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Charles Recoursé
Albin Michel
25/09/2024
450 pages, 22,90 €
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Chronique de
Michel Edo
Librairie Lucioles (Vienne) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Raphaël Rouillé de de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès)
- Valérie Barbe de Au brouillon de culture (Caen)
- Carole Larcher de La Librairie Le BHV Marais (Paris Cedex 4)
- Michael Mention de scop Le Temps d'un livre (Pontarlier)
- Antoine Bonnet de Michel (Fontainebleau)
- Isabelle Prunier de La Féérie des mots (Vittel)
- Marie-Line Musset de Lettres Infuses - Formations pour bibliothèques (Rueil-Malmaison)
- Caroline Gelly de Le Chat borgne (Belfort)
- Margot Bonvallet de Passages (Lyon)
✒ Michel Edo
(Librairie Lucioles, Vienne)
Dans Harlem Shuffle, le premier volet d'un triptyque consacré à Harlem, on faisait connaissance avec Carney, ni totalement criminel, ni foncièrement honnête, juste un type plutôt futé qui tentait de faire sa place au soleil en déjouant, avec les moyens à disposition, les règles tacites édictées par les blancs.
Dix ans plus tard, Carney a raccroché les pinceaux. Promis juré, il a fermé la tirette de la petite porte où circulaient les marchandises tombées du camion ou envolées des vitrines de bijoutier. Finie la fourgue, il se consacre désormais en bon père de famille à son activité de mari et père exemplaire, de patron intègre et de logeur humain. De quoi occuper son temps et voir l'avenir radieux du droit chemin se dérouler sous ses pieds. Pour la première fois depuis quelques générations, un Carney n'enseigne pas à ses enfants que le crime est une voie possible. Et si parfois il rage de voir un jeune du quartier se faire maltraiter par les flics, s'il est pour les combats des black panthers jusque dans leurs extrémités, il fait le dos rond, presque persuadé que la voie de la vertu possède une sortie vers le haut. Mais il est parfois difficile de ne pas faire d'écarts. Le crime possède une grammaire que l'on n’oublie pas facilement. Aussi, lorsque Carney, pour complaire à sa fille, se met en quête de deux places pour le concert des Jackson Five, il se retourne vers ses anciens contacts, du moins ceux qui ne sont pas derrière les barreaux. Parce que, selon sa devise, « à quoi bon mener une carrière criminelle ponctuée d'éruptions de violence si ça ne servait pas à rendre sa [famille] heureuse ? ». De guerre lasse, il est contraint de frapper à la porte de la mauvaise personne, au mauvais moment. Munson incarne le pire de la vérole policière. Un flic raciste, ripoux, rusé et violent. À la seconde où il franchit la porte du terrier où l'autre s'est retranché, Carney replonge dans son ancien monde. Munson, harcelé par l'administration, a décidé en une nuit de régler ses comptes et de soutirer suffisamment de fric à toute la pègre harlémite pour prendre sa retraite une fois pour toute. Ce qui commençait comme un relevage de compteur va virer à l'équipée sanglante. Carney en témoin porte-flingue devient le témoin flegmatique de la ruine de sa réputation. Lui qui s'était tenu à l'écart de l'escalade criminelle de son quartier ne peut que constater que des plus enfoirés, des plus violents des plus sadiques ont pris le pouvoir. En arrière fond de cette nuit en enfer, bourré d'humour et de punchlines à tomber par terre, La Règle du crime retrace aussi l'histoire d'un quartier où même les gosses ont bien compris que flic ou bandit, c'est la même salade, c'est le plus malin, ou le plus violent qui l'emporte et que, au-dessus, d'autres requins rôdent aussi, plus âpres au gain, plus informés et encore plus dénués d'empathie que le pire des caïds locaux.