Essais

Pierre Bayard

Hitchcock s'est trompé

✒ Juliet Romeo

(Librairie La Madeleine, Lyon)

Pierre Bayard poursuit son exploration des œuvres policières. Après son analyse du Chien des Baskerville ou de Ils étaient dix, le professeur investit un classique du cinéma, Fenêtre sur cour, dont il propose une analyse totalement déstabilisante.

Je suis une très grande fan du cinéma d’Alfred Hitchcock dont j’ai vu et revu chacun des films. La promesse faite par Pierre Bayard d’une contre-enquête de l’incroyable Fenêtre sur cour, en indiquant directement que Hitchcock s’est trompé m’a forcément titillée. Si vous ne connaissez pas le film, pas de panique, le professeur de littérature prend le temps de commencer son essai par une description minutée, scène par scène, du film et des tenants et aboutissants de l’enquête amatrice dont il est question. Je vous la résume en quelques lignes : Jeff est un photographe cloîtré chez lui à cause d’une jambe dans le plâtre, lors d’un été caniculaire. Sa baie vitrée est constamment ouverte et il observe les voisins de sa cour intérieure avec Lisa, sa compagne, Stella, son infirmière, ou Doyle, son ami détective. Un cri dans la nuit et le couple se met à soupçonner M. Thornwald, un des voisins, d’avoir tué sa femme. Quelques péripéties plus tard, dont la mort d’un chien et la tentative de suicide d’une femme solitaire, Thornwald est arrêté par la police alors qu’il agresse Jeff chez lui, comme s’il était coupable. Mais, parce qu’il y a un gros mais, que personne n’avait jamais remarqué, c’est que d’aveux du meurtrier, il n’y a point. De même que de preuves du meurtre de Mme Thornwald. Paranoïa des protagonistes ? Syndrome de Münchhausen ? Biais de cadrage de la part du spectateur ? Délire d’interprétation ? Et si tout cela servait à couvrir le véritable crime de ce film : le meurtre d’un petit chien ? Pierre Bayard nous entraîne dans une analyse poussée mais implacable dans laquelle les personnages échappent à la caméra d’Alfred Hitchcock pour vivre leur propre vie et dans laquelle il montre au spectateur une tout autre réalité que celle, il est vrai, assez improbable d’un homme qui tue sa femme plutôt que d’en divorcer.

Les autres chroniques du libraire