Essais

Andrea Marcolongo

Courir

✒ Juliet Romeo

(Librairie La Madeleine, Lyon)

On n’aura jamais autant écrit sur le sport qu’en cette année 2024. En marge des compétitions classiques (Roland-Garros, Tour de France...), Paris accueille donc les Jeux olympiques et paralympiques d’été. L’occasion de replacer et réfléchir le sport dans un contexte aussi bien historique que politique et géopolitique.

Je fais partie de cette foule de personnes qui court, plusieurs fois par semaine, et qui prépare des courses, notamment le marathon. Je fais également partie de ces personnes qui aime et regarde le sport, à la télévision déjà, mais aussi dans des stades et gymnases, que ce soit pour supporter mon équipe de foot préféré (à savoir l’Olympique lyonnais) mais aussi pour voir les copines faire du roller derby. Et si j’aime le sport, j’aime également sa dimension sociale et politique, sans fermer les yeux sur ses travers financiers, écologiques et politiques. C’est ainsi que, bien évidemment, je me suis plongée dans Courir, De Marathon à Athènes, les ailes aux pieds de l’Italienne Andrea Marcolongo, paru chez Gallimard. Dans ce remarquable essai, l’autrice mêle sa préparation pour le mythique Marathon d’Athènes et l’écriture. En reprenant De la gymnastique du philosophe antique grec Philostrate, Andrea Marcolongo cherche à comprendre ce qui la pousse à courir et nous entraîne dans un récit philosophique et personnel qui tente de relier le runner ou la runneuse des quais du Rhône ou de la Seine à Philippidès (qui signifie « qui court une journée entière »), le messager et premier « coureur » des 41,8 kilomètres qui séparent Marathon d’Athènes. Sans oublier de réfléchir au marketing et aux objets tendances qui entourent la pratique du running. Et si la distance du marathon est passée de 41,8 à 42,195 kilomètres, c’est le fait du Prince de Galles lors des Jeux olympiques de Londres de 1908. 400 mètres ajoutés pour permettre aux nobles d’assister à la compétition depuis les jardins du château de Windsor. Cette anecdote permet de comprendre l’importance des Jeux olympiques. Importance que nous pouvons constater en architecture tout d’abord, grâce à l’ouvrage Architectures olympiques, 1900-2024 d’Antoine Le Bas et Philippe Grandvoinnet, aux Éditions du patrimoine. Les deux auteurs retracent, avec nombre de photos, dessins et plans, les créations et les modifications architecturales apportées par l’accueil des Jeux olympiques d’hiver et d’été entre 1900 et aujourd’hui en France. Ainsi, seront évoqués, par exemple, la piscine de la Butte-aux-cailles à Paris, créée pour les Jeux olympiques de 1924, ou bien le Stade de glace à Grenoble, devenu Palais des sports, créé en 1968 pour les Jeux olympiques d’hiver. L’importance des Jeux olympiques est aussi politique, comme nous l’expliquent, dans Géostratégix, Un monde de jeux, Pascal Boniface et Tommy, chez Dunod Graphic. Les deux auteurs nous proposent, par le biais d’une bande dessinée, de retracer l’histoire des Jeux olympiques, de Pierre de Coubertin jusqu’à nos jours, en mettant l’accent sur la façon dont les gouvernements ont utilisé cette compétition à des fins politiques et stratégiques. Que ce soit dans l’attribution des pays par le Comité olympique, dans les propos ou la communication des gouvernements, en passant par les campagnes de boycott ou encore les disqualifications de pays, les Jeux olympiques, comme le montre cette bande dessinée, ont été et restent infiniment politiques. De politique, il en est question également dans le court essai Footballs politiques, Peut-on encore aimer le sport de haut niveau ? de Pauline Londeix, chez 10/18. Partant de son expérience personnelle dans le football féminin amateur, l’autrice invite à une réflexion sur l’écart qui s’est créé, notamment dans le football, entre les valeurs d’inclusion et de vivre ensemble du sport et l’état financier et géopolitique du sport de haut niveau. De même, la question de la santé des footballeurs et footballeuses, thématique chère à l’autrice, et des sportives et sportifs est longuement explorée dans cet essai. Et dans la foulée du constat de l’écart entre promotion de l’activité sportive et sport de haut niveau, l’autrice propose des pistes de réflexions et présente des initiatives en cours pour redonner au sport ses valeurs initiales, notamment avec le flagball, un football sans contact. Et ce flagball deviendra discipline olympique en 2028. Ce qui donnera peut-être l’occasion de beaux duels. À l’instar de ceux racontés par Vincent Di Serio dans On ne gagne jamais seul chez Plon. Parce que, souvent, gagner se fait face à un adversaire et performer se fait par rapport à l’autre, l’auteur nous propose vingt duels. Qu’il soit individuel, comme entre Luz Long et Jesse Owens ou collectif, comme entre l’URSS et les États-Unis durant la guerre froide, ces « duels » ont marqués l’Histoire du sport de haut niveau. Et il est souvent arrivé que ces duels servent à des fins politiques et géopolitiques. Car, vous l’aurez compris, le sport, par sa dimension tant individuelle que mondiale et par l’engouement qu’il provoque dans les populations, a été, est et restera politique.

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