Essais

William Marx

La Haine de la littérature

illustration
photo libraire

Chronique de Charlène Busalli

()

« La haine de la littérature ! La haine de la littérature », s’exclamait Flaubert. Délire de persécution ? Rien n’est moins sûr. Si la formulation est quelque peu hyperbolique, il a existé de tout temps des gens qui ont condamné la littérature pour des raisons diverses et variées. Platon, par exemple, reprochait aux poètes, non pas de ne pas dire la vérité, mais de proférer des mensonges sans en avoir reçu l’autorisation de l’État, et donc d’être de fieffés agitateurs. À l’inverse, de nombreux siècles plus tard, Bourdieu et ses condisciples jugeront que la littérature aide la société de classe à se perpétuer en favorisant la reproduction d’une élite. Le choix, dans la manière de jeter le discrédit sur la littérature est d’ailleurs tout aussi varié que les raisons invoquées. Kant choisit le camp des homophobes en arguant que la littérature amène à « l’efféminement des corps », quand Adorno formulait sa célèbre sentence : « écrire un poème après Auschwitz est barbare ». Sans parler de Nicolas Sarkozy, qui, tel un disque rayé, attaqua la littérature à de nombreuses reprises en brandissant à chaque fois l’argument devenu légendaire, selon lequel lire La Princesse de Clèves ne recelait aucune utilité ! William Marx explique que les attaques propres à l’antilittérature ont plus souvent eu tendance à bénéficier à la littérature, qu’à lui nuire. Car ce sont ces constantes accusations qui, d’une certaine manière, incitent la littérature à se remettre perpétuellement en question, à expérimenter de nouvelles formes et à se renouveler. C’est ainsi que l’antilittérature a rendu la poésie plus forte, d’où le ton malicieux utilisé par William Marx pour dépeindre cet ennemi fort utile… c’est de bonne guerre.

Les autres chroniques du libraire