Littérature française

Isabelle Desesquelles

Histoire de la femme sauvage

✒ Valérie Barbe

(Librairie Au brouillon de culture, Caen)

Un nouveau roman d'Isabelle Desesquelles est toujours la perspective réjouissante d'une lecture qui fera mouche et laissera une trace en nous. Ce nouvel opus, particulièrement, est un magnifique texte, à la fois terriblement puissant et émouvant.

L'écriture a un rôle immense dans tous les romans d'Isabelle Desesquelles : le style, les mots y sont les sésames de l'émotion. Elle a le verbe à fleur de peau, elle sait évoquer et susciter chez les lecteurs un foisonnement d'émotions. Cette Histoire de la femme sauvage est sans doute le plus délicat de ses textes, d'une rare intensité. C'est une histoire de femmes, une histoire de mémoire familiale. Ou plutôt une histoire de mémoire tue, disparue et que, de nos jours, Laure ira déterrer pour mieux comprendre sa propre famille. Le récit se passe à deux époques et dans des géographies différentes. En Kabylie, entre 1954 et 1961, où nous rencontrons deux amies encore enfants, Made et Nour, qui grandissent au sein d'une oliveraie. Elles viennent de familles socialement différentes, ce qui ne les empêche pas de vivre une amitié puissante et passionnelle. En France, au début de notre siècle, il y a Laure, dont nous comprenons au fil du récit qu'elle est la fille de Made. Ce qu'elle sait de sa famille est mince, juste que sa mère n'est plus, qu'elle l'a peu connue et que la famille a quitté l'Algérie à cause de la guerre pour s'installer en France. Personne ne veut répondre à ses questions, ce qui l'enverra en Kabylie pour découvrir son histoire. Cependant, ce roman n'est ni un témoignage ni un énième livre sur la guerre d'Algérie. Nous sommes dans une dimension littéraire bien plus grande, immense même, qui dévoile certes un pan peu connu de l'Histoire mais aussi explore la manière dont l'absence de parole, en gommant la mémoire, empêche les blessures de cicatriser. C'est un livre rare, magnifique, sensible, sans doute le plus beau de l'autrice, qui nous envoûte et redonne à l'écriture sa noblesse essentielle. Disons-le : qu'est-ce que ça fait comme bien de lire un texte aussi puissant !

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