Polar

Deon Meyer

Cupidité

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Chronique de Marie Hirigoyen

Librairie Hirigoyen (Bayonne)

Dans la galaxie de ces romans noirs qui nous aident à décrypter le monde, le Sud-Africain Deon Meyer s’inscrit en maître du genre. Voici un polar bruissant de voix multiples, où faits réels et fiction se répondent pour mettre au jour les maux et les espoirs d’un pays sous haute tension.

Les romans de Deon Meyer, traduits de l’afrikaans, se font l’écho d’une société multi-culturelle où l’on parle onze langues officielles comme le zoulou ou le xhosa, d’un peuple métissé conscient de son Histoire et des mouvements tectoniques qui l’ont secouée : la colonisation, la guerre des Boers, l’apartheid, le rêve enfui de la « nation arc-en-ciel ». S’il se laisse aller aux souvenirs, Deon Meyer, habité par cette mémoire collective, évoque son enfance dans une région minière, ainsi que les rapports électriques des communautés noire et blanche. Il raconte que, jeune professeur, on le conduisait caché dans le coffre d’une voiture pour aller enseigner dans les townships. Alors que l’idéal de Nelson Mandela est bel et bien perdu, c’est dans un pays divisé, en proie à la désillusion et à la corruption qu’il déroule ses intrigues si bien charpentées. Avec Cupidité, il dénonce la captation d’État, une kleptocratie incontrôlable qui règne dans les sphères du pouvoir noyautées par de puissants industriels indiens. Après La Femme au manteau bleu (Folio policier), où ils avaient découvert le cadavre d’une Américaine experte en peinture de l’âge d’or hollandais, on retrouve un irrésistible duo d’enquêteurs, membres de la brigade criminelle des Hawks, autant dire l’aristocratie de la police : le lucide et perspicace Benny Griessel, ancien alcoolique en permanence en proie au doute, et Vaughn Cupido, son élégant et toujours optimiste coéquipier. Le premier élabore des stratégies complexes pour faire sa demande en mariage à sa compagne et le second essaie d’arrêter les muffins. Rétrogradés et éloignés du Cap pour une bavure lors d’une mission précédente, ils ont deux enquêtes à mener dans la riche région viticole de Stellenbosch. Alors qu’ils sont sur les traces d’un étudiant disparu impliqué dans un trafic de données auquel la police locale n’est pas étrangère, Sandra Steenberg, agente immobilière et mère de famille angoissée par des problèmes d’argent, est aux prises avec un milliardaire, escroc notoire, propriétaire d’un somptueux domaine au cœur des vignobles et prédateur sexuel. Elle va terriblement déraper. Comme toujours, Deon Meyer va dérouler avec maestria et sur un rythme sans faille deux histoires et une foule de personnages secondaires hauts en couleur pour lesquels il montre une vraie empathie même quand ils commettent le pire !

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